Comment limiter l’absentéisme pour maladie de longue durée ? - Partie IV

L’examen réalisé dans le cadre de l’article 34 et visant à constater l’inaptitude définitive : avantages pour le travailleur, ainsi que pour l’employeur

Lorsqu’un collaborateur est absent pour une longue durée en raison de problèmes physiques ou psychosociaux, cela a des conséquences tant pour cette personne que pour la société. L’incapacité de travail de longue durée entraîne des pertes financières pour tout le monde et est source d’insécurité, d’angoisse et de démotivation chez le travailleur. Pour l’employeur, elle implique une perte de rendement et des problèmes organisationnels. Il est donc dans l’intérêt de tous que le travailleur puisse reprendre le travail au plus vite ou de clarifier la situation quant à l’impossibilité de réintégration au sein de la même entreprise.

L’article précédent abordait les avantages de la reprise du travail au sein de l’entreprise actuelle du travailleur. Toutefois, s’il devient définitivement impossible pour le travailleur d’effectuer le travail convenu, cette situation peut être à l’origine de la rupture du contrat de travail, sous certaines conditions, ce qui peut présenter des avantages pour le travailleur et l’employeur. À cet effet, la procédure prévue à l’article 34 de la loi relative aux contrats de travail doit être initiée auprès du médecin du travail par l’employeur ou le travailleur. L’article ci-dessous explique plus en détail les implications positives de l’examen dans le cadre du constat d’inaptitude définitive et d’un éventuel « licenciement pour cause médicale ».

Bon à savoir pour le travailleur

  • Si le travailleur est également d’avis qu’il lui est devenu définitivement impossible d’effectuer le travail convenu et qu’il n’y a en outre plus de perspective d’effectuer un travail adapté ou un autre travail au sein de l’entreprise d’origine, on peut invoquer la force majeure médicale et ensuite résilier le contrat de travail sans délai de préavis, contrairement au licenciement « ordinaire ». Le travailleur peut alors :
    • soit pointer immédiatement, car il conserve le droit aux allocations de chômage, sans sanction temporaire ni stage d’attente auprès de l’ONEM. Lorsque la force majeure médicale est invoquée, il ne peut en effet pas être tenu responsable de la rupture de son contrat de travail, même s’il en a lui-même pris l’initiative.
    • soit entamer une formation ou chercher un stage ou un emploi auprès d’un nouvel employeur. Pour ce faire, le travailleur peut librement solliciter une aide complémentaire auprès :
      • de l’Office wallon de la formation professionnelle et de l’emploi (Forem), d’Actiris ou du VDAB, s’il dispose d’un formulaire d’inscription du médecin du travail ou du médecin-conseil. Cet itinéraire défini par la loi garantit que le travailleur ne se retrouve pas inutilement au chômage ou ne reste pas indéfiniment en maladie. Vous trouverez plus d’informations à ce sujet sur le site du VDAB : https://www.leforem.be/citoyens/accompagnement-indemnite-maladie-ou-invalidite.html.
      • de l’Institut national d’assurance maladie-invalidité (INAMI), si son employeur a invoqué unilatéralement la force majeure médicale pour résilier le contrat de travail. En effet, depuis avril 2024, l’employeur doit verser un montant de 1800 euros au Fonds de Retour au travail (RAT). Le travailleur en incapacité de travail peut alors demander auprès de l’INAMI un voucher lui permettant d’acheter des services spécialisés personnalisés, tels qu’un accompagnement de carrière ou un coaching personnalisé. L’accompagnement ne peut être assuré que par un prestataire agréé par l’INAMI. Vous trouverez plus d’informations à ce sujet sur le site Web de l’INAMI : https://www.inami.fgov.be/fr/themes/reinsertion-socio-professionnelle/fonds-retour-au-travail.
  • Comme dans le cas d’un trajet de réintégration, en cas d’incapacité définitive, le travailleur peut toujours demander d’exercer un travail adapté ou différent dans sa propre entreprise. L’employeur doit alors rechercher activement des possibilités concrètes de travail adapté ou différent et/ou d’aménagement du poste de travail, dans la limite de ses possibilités. Il doit à cet effet tenir compte des conditions et modalités déterminées par le médecin du travail. Le cas échéant, un plan de réintégration formel doit également être établi. Attention : si l’employeur ne dispose pas d’un travail adapté ou d’un autre travail, il doit le justifier, après quoi, un cas de force majeure médicale peut toujours être invoqué pour résilier le contrat de travail.
  • Le travailleur a toujours le droit de faire appel de la décision d’inaptitude définitive dans un délai de 21 jours calendrier. Par la suite, trois médecins (le médecin du travail, le médecin inspecteur social compétent et le médecin traitant) réexaminent la décision initiale. Si le médecin inspecteur social constate que le travailleur n’est pas encore définitivement inapte au travail convenu, le contrat de travail ne pourra pas/plus être résilié pour cause de force majeure médicale. Il est ainsi mis fin à la procédure. Si la volonté existe, un trajet de réintégration peut être entamé.
  • Par ailleurs, il se peut que le travailleur soit encore en mesure d’effectuer le travail convenu. Dans ce cas, cette procédure n’a pas d’autres implications. Elle ne peut être relancée que lorsque le travailleur a été à nouveau en incapacité de travail pendant au moins neuf mois sans interruption. Cependant, un trajet de réintégration peut toujours être entamé dans l’intervalle.

Bon à savoir pour l’employeur

  • Plus l’incapacité de travail est longue, plus les chances de reprise du travail auprès de l’employeur actuel sont faibles. Après trois mois d’incapacité de travail, moins de la moitié des travailleurs reprend le travail, et ce chiffre diminue à vue d’œil : après plus d’un an, moins de 20 % reprennent le travail. Et le risque de « fade-out » augmente également après seulement un mois d’incapacité de travail. Cet examen, qui peut être demandé à partir de neuf mois d’incapacité de travail, permet à l’employeur de se faire une idée de manière efficace et plus rapide quant à un éventuel départ ou, dans le cadre d’une demande de travail adapté ou d’un autre travail, quant à la réintégration, ce qui crée moins d’incertitude quant à la continuité de la fonction : un remplacement permanent est-il nécessaire ?
  • Contrairement au licenciement « ordinaire », l’employeur n’a pas à verser d’indemnité de préavis lorsque le contrat de travail est résilié pour cause de force majeure médicale.
  • Aucune cotisation n’est due au Fonds Retour Au Travail si le travailleur résilie le contrat pour cause de force majeure médicale ou si la rupture est convenue d’un commun accord.
  • Il est possible de limiter le montant de la cotisation de responsabilisation. Si l’entreprise compte de nombreux travailleurs en incapacité de travail de longue durée (plus d’un an), l’Office national de sécurité sociale (ONSS) peut exiger le versement de ce qu’on appelle une « cotisation de responsabilisation ». Cette cotisation est calculée sur une base trimestrielle pour les employeurs chez qui le flux de travailleurs entrant en invalidité est en moyenne deux fois supérieur à celui des entreprises appartenant au même secteur d’activité et trois fois supérieur à celui des entreprises du secteur privé en général. Cette mesure est uniquement applicable aux entreprises comptant en moyenne 50 travailleurs ou plus.

Conditions

La procédure de rupture du contrat de travail peut être engagée par le travailleur ou l’employeur si les deux conditions suivantes sont remplies :

  1. Le travailleur est en incapacité de travail de manière ininterrompue pendant une période de plus de 9 mois. Les interruptions de moins de 14 jours ne sont pas considérées comme une interruption.
  2. Et il n’y a aucun trajet de réintégration en cours.

Conseil

Dans la plupart des cas, il est préférable d’essayer d’abord la réintégration au sein de l’entreprise actuelle du travailleur. L’employeur peut ainsi prouver, à la fois sur le plan juridique et vis-à-vis de la délégation syndicale du Comité pour la prévention et la protection au travail (CPPT), qu’il a tenté de réintégrer le travailleur dans sa propre fonction ou dans une fonction adaptée ou autre. Il peut s’agir d’une préparation à l’article 34 en cas de constat d’inaptitude définitive, le contrat de travail pouvant alors éventuellement être résilié. Cela crée une image positive.

 

Cette situation est également avantageuse pour le travailleur, qui acceptera mieux la rupture si une décision d’inaptitude définitive a déjà été prise au cours du trajet de réintégration. Une inaptitude définitive en vertu de l’article 34 est dès lors évidente.

Spoiler

Le 11 avril 2025, le Conseil des ministres a approuvé un projet d’arrêté royal (AR) qui réforme en profondeur la législation sur la réintégration. Avant d’être publié, il sera notamment examiné par le Conseil supérieur pour la prévention et la protection au travail. L’une des modifications au Code du bien-être au travail qui sera mise en œuvre avec l’AR concerne ce qui suit : l’employeur et le travailleur pourront demander un examen de constat d’inaptitude définitive à partir de six mois au lieu de neuf mois d’incapacité de travail. Cet AR entrera en vigueur le 1er janvier 2026.

 

De plus amples informations concernant la procédure spécifique de demande et la FAQ concernant l’examen réalisé dans le cadre de l’article 34 sont également disponibles sur notre site : https://www.cohezio.be/fr/solutions/solutions-par-theme/force-majeure-medicale/

 

Dans le cinquième et dernier article de cette série, nous aborderons les résultats d’une étude scientifique récente portant sur l’impact en matière de retour au travail que peuvent avoir le coaching des travailleurs en incapacité de travail de longue durée et la collaboration multidisciplinaire.

 

Dr Stéphanie Hollebosch, conseiller en prévention-médecin de travail

 

Vous êtes confrontés à des situations de réintégration et voulez être mieux formés pour aborder ce trajet avec succès, Inscrivez-vous à nos formations BAO Academy :

Références

Article 34 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail – Livre Ier, titre 4, chapitre VI, section 3 du Code du bien-être au travail – https://www.inami.fgov.be/fr/themes/reinsertion-socio-professionnelle/fonds-retour-au-travail – Wolters Kluwer, livre blanc, Ontslag door medische overmacht: De procedure toegelicht in 4 stappen (Licenciement pour cause de force majeure médicale : la procédure expliquée en 4 étapes)