Comment contrer les effets négatifs de la position assise adoptée pendant de longues heures ?
Publication 25 novembre 2016

Comment contrer les effets négatifs de la position assise adoptée pendant de longues heures ?

La préoccupation des professionnels de la santé concernant les risques liés au manque de mouvement ne date pas d’aujourd’hui.

Déjà au Moyen-âge, Arnaud de Villeneuve (1240-1311) s’est intéressé aux problèmes de la sédentarité chez les notaires (1). En 1953, JN Morris (2) a comparé deux catégories professionnelles dans les sociétés de bus londonien : les chauffeurs, assis à leur poste de conduite et les contrôleurs qui restent debout et arpentent les deux étages de bus pour contrôler les tickets des voyageurs. Les chauffeurs montraient des risques nettement plus élevés de souffrir d’un infarctus du myocarde.

En 2012, Lee (3) a estimé que le manque d’activité physique était responsable de 5 millions de décès chaque année dans le monde.

Il est vrai que le mode de vie lié aux révolutions industrielles et à l’apparition du numérique a fortement modifié notre comportement moteur. Cordain (4) a estimé à 19 km de marche par jour la différence d’activité physique entre nos ancêtres, les chasseurs-cueilleurs et l’homme occidental contemporain. Ainsi, des pathologies caractéristiques de la sédentarité (obésité, diabète de type 2, problèmes cardiovasculaires) sont apparues chez les populations nomades comme les Inuits qui se sont sédentarisées récemment (5).

Pourtant, il suffit de peu de choses pour compenser ce changement de comportement. Ainsi, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), se basant sur les travaux de Haskell (6) prône les conseils suivants :

  • 5 séances hebdomadaires de 30 minutes d’une activité physique d’intensité comparable à la marche rapide  (qui peuvent être scindées en morceaux de 10 minutes)
    ou
  • 3 séances de 20 minutes d’une intensité plus élevée semblable au jogging

Des exercices de renforcement musculaire réalisés 2 fois par semaine devraient compléter les  séances. Pour aboutir à des effets plus marqués, il convient de doubler la dose pour arriver à un bénéfice conséquent pour la santé.

Mais une question se pose : peut-on se contenter de ces séances quotidiennes pour contrer les effets négatifs de la position assise adoptée pendant de longues heures ?

C’est à cette question que le Professeur Ekelund et son équipe du Département de médecine sportive d’Oslo se sont intéressés (7). Ils ont réalisé une méta-analyse des données de plus d’un million d’hommes et de femmes.

Les auteurs ont réparti les individus au sein de quatre catégories en fonction de trois paramètres quotidiens :

  • la durée d’activité physique modérée : moins de 5 minutes, 25 à 35 minutes, 50 à 60 minutes ou 60 à 75 minutes
  • le temps passé en position assise : moins de 4 heures, 4 à 6 heures, 6 à 8 heures et plus de 8 heures
  • le temps passé devant la télévision : moins de 1 heure, 1 à 2 heures, 3 à 4 heures et plus de 5 heures

Ils ont ensuite croisé les données entre ces catégories. Les conclusions sont les suivantes :

  • La pratique d’une activité physique modérée de 60 à 75 minutes par jour contrebalance l’adoption de la position assise maintenue plus de 8 heures par jour. Les recommandations classiques de 30 minutes quotidiennes d’activité physique ne semblent donc pas suffisantes pour pallier l’effet néfaste de la position assise de longue durée
  • Le fait de regarder la télévision plus de 3 heures par jour augmente le risque de mortalité sauf pour les personnes qui consacrent plus de 60 à 75 minutes par jour à une activité physique modérée. Malgré tout, le bénéfice de cette durée quotidienne d’activité physique est insuffisant à partir de 5 heures passées à regarder la télévision
  • L’effet néfaste du temps passé à regarder la télévision est plus marqué que le maintien d’une longue période de position assise. Il est possible que les mauvaises habitudes alimentaires qui y sont associées (grignoter des chips, …) aggravent la situation sédentaire
  • Le risque de mortalité lié à la position assise plus de 8 heures par jour (58%) est similaire aux risques liés au tabagisme et à l’obésité

En conclusion, si de longues périodes de travail doivent être effectuées en position assise, il est primordial de mettre en place une activité physique régulière complémentaire. La durée optimale devrait correspondre à 60 voire 75 minutes d’une activité comparable à la marche rapide. Rappelons que cette activité physique n’est pas nécessairement sportive et que les activités qui correspondent à la même dépense énergétique que la marche rapide sont aussi bénéfiques : laver les vitres, brosser le sol, passer l’aspirateur, tondre la pelouse, bêcher, porter le bois …

Jean-Philippe Demaret
Conseiller en prévention ergonome
Licencié en kinésithérapie et en éducation physique
jean-philippe.demaret@cohezio.be

Bibliographie

  1. M. Grmek, Arnaud de Villeneuve et la médecine du travail, Scalpel, 1961, 4, p. 203-205
  2. Morris JN, Heady JA, Raffle PA, Roberts CG, Parks JW. Coronary heart disease and physical activity of work. Lancet 1953; 265: 1053–57.
  3. Lee IM, Shiroma EJ, Lobelo F, Puska P, Blair SN, Katzmarzyk PT, Lancet Physical Activity Series Working Group. Eff ect of physical inactivity on major non-communicable diseases worldwide: an analysis of burden of disease and life expectancy. Lancet 2012; 380: 219–29.
  4. Cordain l, Gotshall rw, Eaton sb. Evolutionary aspects of exercise. World Rev Nutr Diet. 1997; 81:49-60
  5. Eaton SB, Cordain L, Lindeberg S. Evolutionary health promotion: a consideration of common counterarguments. Preventive Medicine 2002, 34 : 119-123
  6. Haskell WL, Lee IM, Pate RR, Powell KE, Blair SN. Physical activity and public health: updated recommendation for adults from the American College of Sports Medicine and the American Heart Association. Circulation. 2007; 116:1081-1093
  7. Ulf Ekelund, Jostein Steene-Johannessen, Wendy J Brown, Morten Wang Fagerland, Neville Owen, Kenneth E Powell, Adrian Bauman, I-Min Lee, for the Lancet Physical Activity Series 2 Executive Committe and the Lancet Sedentary Behaviour Working Group Lancet 2016; 388: 1302–10

Publié dans Actuascan, novembre 2016, n°10