Comment être authentique dans ses relations professionnelles
Publication 25 octobre 2017

Comment être authentique dans ses relations professionnelles

Parler vrai au boulot ? Pas si facile. Comme dans d’autres contextes d’ailleurs. Dans toute relation peuvent survenir des difficultés à dire les choses, à nommer ce qui ne va pas ou plus. Et les raisons ne manquent pas pour se murer dans un silence que le langage non verbal finira le plus souvent par trahir. Au détriment d’une certaine vérité pourtant porteuse de sens et donc de bien-être, les deux étant très souvent liés. Alors parler vrai, un jeu d’enfants ?
 

Une vérité du genre de celle qui sort de la bouche des enfants ?

Que nenni. En principe, la communication au boulot se fait entre personnes adultes. Capables de mettre les « maux » en mots. De se dire les choses sans tomber dans le piège des émotions qui débordent. Mais en principe seulement … Car il n’est pas rare de voir une salle des profs ou un comité de direction se transformer en bac à sable. Ou plus subtilement (et le plus souvent d’ailleurs) en un terrain où tout devient prétexte à un désaccord ou une dispute.


Un peu comme le font les enfants qui pleurent pour des raisons affichées différentes de celles qui les animent vraiment. Trichant ainsi avec eux-mêmes, avec les autres et avec leurs propres émotions.

Émotions au boulot ? Danger !

Le monde de l’entreprise est aujourd’hui régi par des croyances et des valeurs essentiellement basées sur la compétition. C’est le plus fort, le plus grand, le plus gros, le plus intelligent, le mieux organisé, le plus efficace, le plus agile, le plus riche … qui gagnera, ou survivra, tout simplement. Il y a même des boîtes – privées ou publiques - où les pires concurrents - les plus féroces - se trouvent à l’intérieur même de l’organisation minant insidieusement son élan vital. Et donc la créativité pourtant indispensable à la vie et à la survie des systèmes.

Dans ces conditions proches de celles de la jungle, afficher ses points faibles n’est pas conseillé : Mieux vaut garder pour soi ses émotions. Sauf la joie (et encore).

Les entreprises qui se maintiennent dans ce paradigme désenchanté sont potentiellement des fabriques de burnout. Elles risquent fort de ne pas passer le cap des générations car les nouvelles vagues (Y et suivantes) ne sont plus prêtes à sacrifier leur vie entière pour le boulot.

De plus en plus de boîtes l’ont compris et font des efforts, parfois remarquables, pour développer l’esprit de coopération et l’empathie. Mais quelles étapes ces organisations du futur doivent elles franchir pour évoluer et se donner toutes les chances de s’adapter dans un monde en perpétuel mouvement ?

Il faut d’abord apprendre à communiquer de façon adulte, authentique et respectueuse de soi et des autres …  Tout un programme souvent proposé de façon incomplète ou désordonnée.

Beaucoup d’entreprises organisent ainsi des formations en assertivité construites sur la base des travaux de Marshall Rosenberg. C’est un passage obligé, clairement. Car comment apprendre à faire de la musique harmonieuse sans connaître les notes et quelques accords de base ?

Néanmoins, ne prendre que ce « morceau » de choix est une erreur qui se paye en général assez cash : en effet, si elle repose sur des bases malsaines, la communication non violente devient paradoxalement un outil de désintégration de la relation.
 

La communication non violente (CNV) : panacée universelle ou jeu de pouvoir bien emballé ?

La communication non violente propose un certain nombre d’outils remarquables. Un des plus connus en entreprise est certainement le DESC qui structure le message de telle façon que les choses qui doivent être dites le soient … sans agressivité et en exprimant ses besoins et demandes de façon claire. Un bel outil de feed-back, assurément.

Quelques heures de formation suffisent pour appréhender cette forme de communication qui a fait ses preuves et qui est susceptible de donner très rapidement des résultats probants.

Mais cette technique – comme toutes celles qui touchent à l’humain – a ses limites et même certains effets pervers.

À elle seule, elle ne permet pas d’assurer des relations fluides entre les personnes et peut même à la longue – si elle est utilisée à mauvais escient – s’avérer contre-productive.

En effet, elle ne met pas à l’abri des jeux de pouvoirs souvent inconscients qui régissent les rapports humains. Et qui mènent parfois à des échanges dignes des tragédies grecques.
 

L’entreprise est un théâtre …

Qu’on le veuille ou non, l’entreprise est un terrain de jeux de rôles pas si drôles. Et de jeux de pouvoirs pas toujours évidents à déceler de prime abord.

S’y retrouvent toutes les stratégies comportementales visant à trouver sa place, la garder ou en changer si elle ne convient pas.

Nous ne parlons pas forcément des places au sens des postes de travail ou du positionnement sur l’organigramme. Mais bien de la place que chaque personne cherche à avoir dans son groupe. La place symbolique où la personne se sent exister dans son propre regard et aux yeux des autres. Une place où elle se sent bien. Heureuse de satisfaire ses besoins et ses valeurs les plus fondamentales (sécurité, reconnaissance, liberté, autonomie, plaisir, créativité, relation, communication, efficacité, confort..  etc. … la liste est longue)

Et cela fonctionne ou dysfonctionne de la même façon que cela a fonctionné (ou dysfonctionné) dans la première entreprise dans laquelle chacun d’entre nous a dû se faire sa place : la famille d’origine. Parents et fratrie auxquels s’ajoutent parfois d’autres relations proches (oncles, tantes, grands-parents, cousines et cousins,  etc …).

La façon dont chaque humain prend ou ne prend pas sa « juste » place dans un groupe dépend fortement des facteurs relationnels familiaux de départ.

Avec l’âge et surtout l’expérience, les décors changent (jardin d’enfants, école primaire, secondaire, université, mouvements de jeunesse etc …). Mais à chaque fois se rejoue pour chacun la nécessité de trouver sa place et de la prendre ou … la laisser.  Pour certains cela semble facile et naturel. Pour d’autres cela peut être plus ardu. Pourquoi les uns n’osent-ils pas prendre leur place (s’exprimer) tandis que d’autres empiètent voire abusent de la leur ?

Le comprendre, le reconnaître et entamer un travail d’introspection et de remise en question est un passage obligé préalable à la communication fut-elle non violente. De la même façon qu’un virtuose du violon ne produira que bruit sur un instrument désaccordé.

Concrètement, avant de communiquer de façon non violente, encore faut-il savoir quoi dire, à qui et pourquoi … tout un programme.

Bien communiquer c’est d’abord se connaître soi

Exprimer ses émotions est essentiel pour maintenir la bonne santé psychique et même physique si on retient l’idée d’un lien entre le corps et l’esprit. Cependant, si on ne se connait pas bien, les émotions peuvent nous jouer des tours. La colère (sous toutes ses formes) cache souvent d’autres émotions enfouies et mal accueillies dans le monde des entreprises comme la tristesse ou la peur. Ignorer cette évidence conduit évidemment à une « fausse » communication non violente d’autant plus pervertie qu’elle sera de bonne foi …

Jacques Brel le disait à sa façon : l’ignorance est la mauvaise fée du monde.

Dans le même ordre d’idées, exprimer un besoin et le satisfaire, c’est bien. Mais c’est encore mieux si ce besoin est le « bon ». Ce qui n’est pas automatique. Combien d’entre nous n’ont pas déjà couru derrière un leurre ? Consacrant une énergie importante à atteindre des objectifs qui n’étaient pas ceux qui nous rendraient plus heureux ?

Se connaître soi, en profondeur, permet d’éviter bien des déconvenues. À cet égard, le phénomène du Burn-Out est un révélateur à grande échelle de la connaissance limitée que les gens ont d’eux-mêmes. Après un burnout, la personne n’est plus la même dit-on souvent. Son échelle de valeurs et ses préoccupations fondamentales ont changé. De même que ses objectifs.

D’où l’impérieuse nécessité d’investir dans la connaissance de soi et dans la communication qui s’en suit.

Il y a encore du chemin à faire …

Et il commence dans la famille et à l’école.
 

 

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Par Pierre Lucas,
Directeur, coach et trainer coach du BAO Group et co-fondateur de l’institut de coaching, mentoring et développement personnel BAO Elan Vital.

Publié dans Psychologies magazine, Octobre 2017.