Être médecin du travail en temps de pandémie
Publication 08 décembre 2021

Être médecin du travail en temps de pandémie

Mars 2020 : Les autorités annoncent le premier confinement et le télétravail obligatoire pour une durée indéterminée. Le milieu médical accuse le coup de ce nouveau virus dont on ne sait que très peu de choses, et les entreprises s’organisent au mieux. Les stratégies de testing se mettent en place, avec une priorité accordée aux maisons de repos et de soin (MR/MRS). Les équipes médicales de Cohezio sont parmi les premières à se trouver sur le terrain pour assumer ces missions inédites. Presque deux ans plus tard, alors que nous sommes en pleine quatrième vague malgré la vaccination, le milieu médical est à bout. La tension monte, l’impatience et le découragement gagnent du terrain. Mais au fond, comment en sommes-nous arrivés là ? Que signifie être médecin du travail en temps de pandémie?

Des équipes sur le terrain

La médecine du travail a été mobilisée dès l’apparition du virus. Les équipes médicales et paramédicales de Cohezio se sont directement déplacées sur le terrain pour prêter main forte à la stratégie de testing naissante. Souvenez-vous à l’époque de la problématique des masques, de la fiabilité des tests et des nombreuses questions soulevées par la COVID-19. « Dès l’arrivée de la COVID il a eu des incertitudes : c’était une nouvelle maladie et nous n’étions pas du tout préparé·es à ça, nous explique le Dr Vanessa Binet, Medical Manager de la zone de Liège. « A cela se sont ajoutées les contraintes, par exemple, des médecins plus âgé·es qui ne pouvaient se rendre sur le terrain en raison de leur état de santé. »

Les équipes médicales de Cohezio ont dû faire preuve de beaucoup de débrouillardise au début de la pandémie. Il n’y avait pas toujours le matériel adéquat alloué aux missions nouvelles que la médecine du travail se devait d’honorer, comme les équipements de protection individuels (on se souvient notamment des scaphandres de protection utilisés en mars 2020). « Heureusement, grâce à la collaboration et aux actions des équipes de Cohezio, nous nous sommes adapté·es et avons acquis nos propres moyens de protection en attendant ceux promis par le fédéral », ajoute le Dr Binet.

Nouvelles missions

Les missions des médecins du travail ont été complètement chamboulées. Plus aucune journée ne se ressemble : aux missions ordinaires que sont les consultations, les visites de lieux de travail et la gestion médicale se sont ajoutés le testing en entreprise, la vaccination en MR et MRS, sans parler du tracing.

« Nous sommes constamment sollicité·es par les entreprises », nous raconte le Dr Christel Bock, Medical Manager de la zone de Bruxelles. « Nos clients estiment souvent que les mesures de prévention ne sont pas suffisantes, et deviennent aussi de plus en plus exigeants ». Seulement, le corps médical fait son maximum à tous niveaux, tout en étant en sous-effectif. Cette problématique est globale, énormément de professionnel·les de la santé sont aujourd’hui épuisé·es, physiquement et mentalement.

Une pression constante, week-end compris

Dans cette quatrième vague, les médecins du travail ressentent la pression différemment. Les espoirs placés dans la vaccination s’effritent, cela amène de la frustration, de l’impatience et de la pression sur le milieu médical. La mission de tracing en est un exemple parlant : les médecins du travail doivent coordonner le suivi des contacts du milieu professionnel, rassembler eux-mêmes les données et contacter les personnes concernées.

« Je pense que nos clients sont peut-être devenus plus impatients avec la crise COVID », témoigne le Dr Victoria Devloo, médecin du travail. « Aujourd’hui, ils attendent une réponse dans l’heure avec leur code de test pour les contacts à haut risque, ou leur attestation de quarantaine. Ce qui rajoute une charge administrative pour toujours moins de temps à y consacrer ».

Cohezio a récemment modifié sa manière de travailler le tracing en entreprise. C’est désormais l’employeur qui va récolter les données des contacts à haut risque, pour ensuite les transmettre au médecin du travail qui va en assurer le suivi. Avant cela, la récolte des informations de contact se faisait également par le médecin, ce qui n’était plus tenable. Le Dr Binet déplore : « Malheureusement, les gens ne comprennent pas toujours qu’on ne peut être joignable par téléphone à toute heure, week-end compris. » En voulant aider au maximum, certains médecins n’hésitent pas à faire beaucoup d’heures supplémentaires malgré la fatigue. « On prend la mauvaise habitude de travailler tard le soir, ajoute le Dr Devloo, ce qui crée une attente du côté des entreprises qui croient que nous sommes joignables 24h sur 24. »

La médecine du travail, « parent pauvre » du milieu médical

Des mesures sont néanmoins prises pour soutenir le corps médical, bien qu’elles soient clairement insuffisantes pour l’aider pleinement. Malgré cela, les médecins du travail se sentent oubliés par les autorités, et quelque peu « à la merci » de chaque nouvelle mesure mise sur la table. « Clairement, on a l’impression d’être le « parent pauvre » de la situation », regrette le Dr Bock. « On se sent oubliés, mais on fait malgré tout de notre mieux pour prendre soin de tout le monde. »

Avec l’augmentation de la positivité et des admissions à l’hôpital, la charge de travail ne s’allège pas pour les équipes médicales et paramédicales de Cohezio. Heureusement, nous avons la chance d’avoir une solidarité admirable au sein de nos équipes, tous les collaborateurs ont été sur le front dès le départ et ont fait preuve d’un professionnalisme impressionnant pour assurer ces missions nouvelles.

La quête de sens… et d’empathie

Tout n’est heureusement pas négatif dans ces derniers mois pour les médecins du travail. Dr Binet le constate : « Le point positif, si on peut en souligner un, c’est que nous nous sommes senti·es très utiles. L’urgence sanitaire a donné un sens nouveau à notre profession et nous a donné une implication supplémentaire dans les entreprises. »

Le Dr Devloo ajoute que les médecins du travail ont maintenant pris une nouvelle dimension, « nous sommes devenus des partenaires de confiance, qui fournit une aide fiable dans une période incertaine. Peut-être cela augmentera-t-il aussi l’intérêt des jeunes médecins à choisir la prévention ? Notre profession a un besoin criant de renfort, ce n’est plus un secret… »

Les médecins du travail ont cependant un besoin plus urgent encore : recevoir de l’empathie. Le corps médical subit en effet les derniers mois de plein fouet, que ce soit au sein des établissements de soins ou en tant que conseillers en prévention en entreprise. Les professionnel·les de la santé sont les témoins quotidiens de l’impact mental que peut avoir la crise sanitaire chez nos clients, et sont en première ligne.

Pour chacun d’entre nous, mais aussi pour eux, continuons à appliquer les gestes qui sauvent : portons nos masques, appliquons les gestes barrière, évitons les contacts inutiles. Ce n’est qu’en étant prudent·es et patient·es que nous pourrons mettre fin à cette situation difficile. Soutenons nos médecins du travail qui s’impliquent corps et âme dans leur mission des plus honorables : prendre soin des autres.

 

Gilles Josson

Communication Officer