Le stress au travail : le prévenir c'est s'en prémunir
Publication 21 avril 2016

Le stress au travail : le prévenir c'est s'en prémunir

Les études et autres enquêtes et sondages se suivent et se ressemblent, mois après mois, années après années. De plus en plus de travailleurs belges vivent un stress démesuré au travail. La dernière en date, sortie en mars 2016, fait état de deux travailleurs sur trois !1 Pas étonnant donc que cette année, le thème du 28 avril, journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail décrétée par l’Organisation Internationale du Travail, soit celui du « stress au travail, un défi collectif ».  


Le stress au travail, c’est quoi ?

Les définitions sont certainement aussi nombreuses que les auteurs qui se sont penchés sur la question. En 1999, cette problématique devenue aujourd’hui presque (et malheureusement) banale, était traitée de manière spécifique dans une Convention Collective de Travail, c’est-à-dire un accord entre employeurs et syndicats, qui la définit comme : « une situation vécue négativement par un groupe de travailleurs qui s'accompagne de plaintes ou de dysfonctionnements  sur le plan physique, psychique et/ou social et qui est la conséquence du fait que des travailleurs ne sont pas en mesure de répondre aux exigences et aux attentes qui leur sont posées par la situation de travail. » Son aspect collectif y était déjà bien pris en compte.

Je suis stressé, je risque quoi ?

Certes, tous les stress ne sont pas mauvais. « Une deadline courte, ce qui arrive régulièrement dans mon métier, peut décupler ma force de travail et améliorer la qualité de ce que je produis, témoigne Marie-Laure, graphiste dans une agence de communication.  Le fait de s’astreindre à une tâche et de se concentrer avec intensité à sa réalisation me permet généralement d’atteindre un résultat optimal. La satisfaction est là, davantage que lorsque je « traîne » sur des projets moins urgents. »   Dans le cas où la situation stressante est temporaire et est liée à l’atteinte d’un objectif particulier, le stress peut donc pousser les travailleurs à se dépasser et peut donc même être source de bien-être.

Cependant, il est avéré qu’une exposition prolongée à une situation stressante induit de nombreuses conséquences négatives sur l’organisme. Celle dont on entend le plus parler, c’est le burnout. Mais au-delà du burnout, il existe d’autres effets, qui interviennent à plusieurs niveaux :
Sur le plan physique, le travailleur stressé souffrira de troubles du sommeil : difficulté à s’endormir, insomnie, fatigue lors du réveil due à la mauvaise qualité du sommeil ou à de fréquents réveils, il n’en faut pas plus pour qu’une fatigue profonde s’installe. A cela peuvent s’ajouter des troubles cardiovasculaires, respiratoires ou digestifs, des vertiges, des palpitations, des céphalées ou encore des douleurs abdominales.  Au niveau psychique, les phénomènes tels qu’une diminution de la motivation, une perte d’enthousiasme pour le travail pourront s’installer de même que des difficultés de concentration, de l’anxiété, voire de l’irritabilité, etc.  Ce qui pourra avoir comme conséquence que sur le plan social, le travailleur en arrive à changer d’attitude, adoptant un comportement cynique et déshumanisant, dénué d’empathie pour les autres. La tendance à l’isolement, à la mise à l’écart et à l’évitement de contacts et de collaboration sur le lieu de travail ne sont généralement pas loin. Enfin, peuvent s’ensuivre alors des périodes d’absentéisme de courte ou de longue durée.

Une multiplicité de causes

Les causes de stress en entreprise sont le plus souvent multiples et relèvent de plusieurs aspects du bien-être au travail : l’organisation de travail, les conditions de travail, les conditions de vie au travail, le contenu du travail ou encore  les relations interpersonnelles.
Nous prendrons deux exemples, parmi les plus courants pour illustrer ce qui peut entraîner un stress collectif.

Un Management insatisfaisant

«  Les décisions qui sont prises dans mon entreprise sont contraires au sens même de notre métier, explique Guy, ingénieur de 42 ans. Les dirigeants pourraient facilement le savoir s’ils prenaient le temps de nous consulter de temps en temps. Nous avons des réunions d’équipe lors desquelles nous n’avons pas l’espace pour nous exprimer, donner notre avis, participer à la construction de notre avenir. J’ai l’impression d’être un exécutant qui est contraint et forcé de se plier aux exigences venues d’en haut. Notre avis importe peu, mon responsable nous dit toujours « soit vous prenez le train en marche, soit vous décidez de le quitter. Il y en a des dizaines qui attendent pour prendre votre place. » Le management directif et autoritaire engendre très souvent une situation de stress chez les travailleurs qui y sont confrontés : il s’agit d’un management  unidirectionnel et non participatif qui provoque chez les collaborateurs le sentiment que l’entièreté des décisions se prennent sans considérer leur avis, voire leur réalité de travail.

A l’inverse, le management laxiste peut tout autant être à l’origine de conséquences négatives sur la santé physique et mentale des travailleurs. Dans ce cas de figure, le manager fuit ses responsabilités, évite de prendre des décisions et brille la plupart du temps par son absence dans les moments clés de l’entreprise. « Mon directeur est plutôt sympathique, nous expose Giulia, 33 ans, secrétaire dans une entreprise pharmaceutique. C’est toujours agréable de partager un moment avec lui à la machine à café. Mais il ne se positionne jamais ni pour prendre une décision, ni pour recadrer un membre de l’équipe qui fait ce qui lui plaît quand ça lui plaît, ni pour intervenir dans le cadre d’un conflit en interne ou avec les clients. Une fois qu’une difficulté apparaît, lui disparaît. Son inactivité nous bloque, nous n’avançons plus. Les travailleurs investis comme moi travaillent pour compenser le travail non réalisé de ceux qui dysfonctionnent. C’est à la fois stressant, parce que notre charge de travail est de plus en plus lourde et qu’elle n’est pas cadrée, et démotivant. »

Face à ces deux extrêmes, il s’agit de trouver une posture intermédiaire mêlant étroitement la poursuite des objectifs de développement de l’organisation, l’autonomie, l’épanouissement intellectuel et professionnel des travailleurs, etc. Le défi est de taille, pas à la portée de tous, et nécessite généralement une formation spécifique en management. En effet, nombreux sont les travailleurs promus à des postes de management pour leurs compétences techniques, leur expérience et expertise mais  qui ne disposent pas des outils nécessaires pour gérer une équipe de façon optimale.

Le manque de reconnaissance

 « J’ai mis ma vie privée entre parenthèse durant 8 mois pour mener à bien ce projet d’envergure, témoigne Sergio, 52 ans, cadre intermédiaire. Au final, après de nombreux rebondissements et sacrifices de ma part, ce fut une réussite qui a engendré une augmentation de 12% du chiffre d’affaire de mon organisation. Suite à ce projet, je n’ai eu aucun remerciement ni de manière officielle, ni de manière officieuse. Il y a quelques jours, j’ai croisé le directeur général dans les couloirs et il ne m’a même pas salué. Je ne sais même pas si il sait qui je suis

La reconnaissance est pour les individus le vecteur principal de satisfaction au travail. En manquer peut facilement créer une situation de travail génératrice de stress. Il existe pourtant de nombreuses manière de reconnaître les travailleurs pour leur investissement ou pour la qualité de leur travail  : cela peut évidemment se traduire par une promotion, que ce soit par le biais d’une augmentation salariale ou d’une évolution de poste au sein de l’organisation, mais cela peut aussi  passer plus simplement par des petites attentions, comme par des remerciements oraux ou écrits, ou par la sollicitation de l’expertise du travailleur pour faire évoluer l’organisation, etc.

« C’était un 23 décembre, se rappelle Eric, 41 ans, opérateur de ligne. Le directeur de l’entrepôt nous a demandé de faire deux heures supplémentaires afin de faire partir l’ensemble des commandes avant les fêtes de fin d’année. Nous avons tous accepté. Une fois les dernières commandes prêtes pour l’expédition, le directeur de l’entrepôt nous a convoqués dans le réfectoire. Il avait commandé des pizzas pour tout le monde. Ce qui m’a touché le plus, c’est qu’il est resté manger en notre compagnie. »

Une obligation légale : l’analyse des risques psychosociaux

Afin d’éviter le stress en entreprise, l’employeur est dans l’obligation, conformément à la législation, d’évaluer les sources collectives de stress et mettre en place des actions pour les combattre. C’est ce que la législation désigne sous le terme d’ « analyse des risques psychosociaux ». Les service externes de prévention et de protection au travail, tels que Cohezio, ont développé une large expertise en la matière et accompagnent régulièrement les employeurs désireux de mettre en place une politique de prévention des risques psychosociaux. La méthode d’analyse des risques psychosociaux utilisée sera choisie en fonction de l’organisation concernée et pourra prendre la forme

  • soit d’une analyse quantitative : c’est-à-dire réalisée par l’intermédiaire d’un questionnaire envoyé à l’ensemble du personnel de l’organisation. Cette méthode est utilisée principalement lorsque la taille de la population concernée est importante (plus de 50 travailleurs environ) et ne permet pas d’aller à la rencontre des travailleurs. Les questionnaires utilisés diffèrent d’un service externe de prévention et de protection à l’autre. Cohezio a choisi, pour sa part, de développer un questionnaire en collaboration avec l’Université Libre de Bruxelles pour appréhender cette question spécifique.
  • soit d’une analyse qualitative :  c’est-à-dire basée sur une rencontre avec les travailleurs dans le cadre d’un entretien individuel ou d’un groupe de travail.

Quelle que soit la méthodologie choisie, l’objectif des analyses des risques psychosociaux est de questionner le travailleur sur sa situation de travail et surtout sur les risques psychosociaux auxquels il est confronté. Il s’agira ensuite, pour l’employeur, sur base des résultats obtenus, de prendre des actions pour améliorer le bien-être des travailleurs de manière globale.

Le stress au travail est assurément un défi collectif à relever par les employeurs. Investir dans sa prévention ne peut leur amener que du positif : cela leur évitera de devoir gérer les conséquences désastreuses du stress pour l’organisation  (absentéisme, perte de motivation, conflits, etc.) mais surtout pour les individus qui la composent (burnout, maladie, etc.) et qui forment - faut-il le rappeler ? - leur capital le plus précieux.

28 avril, une journée encore trop nécessaire

La Journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail a lieu tous les ans, le 28 avril. Chaque année, l’Organisation Internationale du Travail définit un thème. Celui retenu en 2016 est « le stress au travail : un défi collectif ».

Cette journée s’apparente à une campagne internationale destinée à promouvoir dans le monde entier une culture du travail sûr, salubre et décent. Chaque année dans le monde, quelque 2.3 millions de travailleurs perdent la vie pour des raisons liées au travail (soit 5.000 par jour !), 160 millions de nouveaux cas de maladies professionnelles sont signalés et plus de 300 millions de personnes sont victimes d'accidents du travail non mortels. Chaque année aussi, quelque 2800 milliards de dollars sont absorbés par le temps de travail perdu, le coût des traitements, des indemnités versées et de la rééducation suite aux blessures et aux maladies professionnelles.

Des chiffres suffisamment éloquents pour encourager avec force la mise en place de mesures de prévention appropriées et généralisées par rapport à l’ensemble des risques professionnels.

Noëmi PANIZIERI,
Manager du Département psychosocial Cohezio


1 Baromètre biannuel du stress réalisé par le prestataire de services RH Securex.

Cet article est paru dans le Psychologies Magazine du mois d'avril.

Source : Actuascan, avril 2016, n°3