Le surprésentéisme : quand l’investissement devient dommageable
Publication 26 janvier 2017

Le surprésentéisme : quand l’investissement devient dommageable

Le surprésentéisme est communément défini comme étant le comportement d’un travailleur qui, malgré des problèmes de santé physique ou psychologique nécessitant de s’absenter du travail, persistent à s’y présenter.
 

Même si ce phénomène est probablement aussi vieux que le travail lui-même, la prise de conscience de ce phénomène et de ses effets est récente. Pour preuve :

  • Au niveau de la recherche scientifique, si 5600 articles et revues scientifiques médicales sont consacrés à l'absentéisme, seuls 150 le sont au surprésentéisme !
  • Peu d’information sur ce sujet se retrouve dans les médias.
  • Peu de sensibilisation existe pour les chefs d’entreprises.

Or si l’absentéisme est un indicateur de stress et de mal-être au travail, le surprésentéisme l’est aussi. Le fait de venir travailler en toutes circonstances a des effets à retardement sur la productivité et la qualité de travail : risques de dépressions, de burn-out et de développement de maladies cardiaques grandissants du personnel, erreurs d’inattention plus fréquentes et dégradation des relations au sein des équipes.

Quelles sont les causes principales du surprésentéisme ?

On peut légitimement penser que chacun a conscience du fait que l’absence de repos risque d’aggraver son état de santé. Comme le dit le proverbe : « qui veut voyager loin ménage sa monture ». Dès lors, qu’est- ce qui pousse certains à travailler en dépit de leur pathologie, quitte à repousser une opération médicale ? Qu’est- ce qui les conduit à risquer leur santé sur l’autel du court terme ? Qui sont ces travailleurs estimant qu’ils ne peuvent pas se permettre de s’arrêter ?

On distingue généralement 2 types de surprésentéisme : l’involontaire et le volontaire. Dans le premier cas, qui est celui qui est le plus répandu et qui dure le plus longtemps (plus de 10 jours par an), le travailleur juge qu’il est impossible de s’absenter et/ou craint une perte financière importante (c’est par exemple le cas du salarié précaire qui espère passer en CDI ou du commerçant qui doit fermer sa boutique en cas d’absence). Dans le second cas, le travailleur choisit volontairement, malgré ses difficultés, de rester au travail du fait de l’intérêt qu’il trouve à son travail, de son sens aigu de la conscience professionnelle ou encore de la volonté de ne pas porter préjudice à son entourage (c’est par exemple le cas d’un chef d’entreprise, d’un expert, d’un passionné, … qui tombe malade en pleine période d’intense activité).

Dans les deux cas, volontaire ou involontaire, le surprésentéisme est généralement causé par l’un des ou les facteur(s) suivants :

  • Des problèmes de santé (mentale, dans la plupart des cas) importants et/ou récurrents
  • La crainte d’une perte de salaire
  • La crainte de perdre son emploi  ou de voir sa carrière « stagner »
  • L’influence de la conjoncture économique et de la précarité de l’emploi
  • Le sentiment d’être irremplaçable
  • La charge de travail importante et la pression qui en est ressentie
  • La pression sociale et la crainte de la stigmatisation
  • L’anticipation de la difficulté de revenir au travail.

Comment prévenir le surprésentéisme ?  De la réactivité à la proactivité

Les organisations ont tout intérêt à ne pas ignorer les pratiques de leurs employés en terme de surprésentéisme, non seulement en raison des coûts que ce comportement génère, mais également en raison de leur obligation de préserver la santé physique et mentale de leurs employés, comme le prévoit la loi sur le bien-être au travail. Tout employeur est dès lors tenu d’assurer des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information, de sensibilisation et de formation, ainsi que de mettre en place une organisation et des moyens adaptés. Afin de prévenir ce phénomène, plusieurs étapes peuvent s’avérer nécessaires.

1.  Identification des signaux avertisseurs

Une première étape pour les organisations consiste à identifier l’ampleur du surprésentéisme chez leurs employés et d’en analyser les causes.
A cet égard, plusieurs intervenants peuvent être sollicités durant le processus d’identification des signaux avertisseurs :

  • Les médecins du travail, par le biais des visites médicales et visites des lieux de travail, sont bien placés pour percevoir les situations de surprésence au travail.
  • Les supérieurs hiérarchiques directs, en raison de leur présence sur le terrain et de leur connaissance des membres de leur équipe, sont aussi en mesure de détecter la plupart des surprésentéistes.
  • Les conseillers en prévention pour les aspects psychosociaux peuvent, eux aussi, intervenir dans ce type de processus lorsqu’ils sont mandatés directement par le travailleur lors d’un entretien individuel avec ce dernier ou par l’employeur, pour réaliser une analyse des risques psychosociaux.

Ci-dessous, nous vous avons dressé une liste non exhaustive de signaux pouvant être des indices d’un surprésentéisme important :


2.  Démarche réactive : Instaurer de la communication et trouver des solutions

Une deuxième étape essentielle, une fois le comportement potentiellement « surprésentéiste » détecté, c’est celle de la communication tant des managers envers leurs travailleurs qu’inversément. Des outils existent pour permettre un dialogue harmonieux et constructif sur ce sujet.

En tant que manager ou responsable RH, comment aborder une situation problématique ?
En utilisant les principes de la communication non violente pour évoquer des sujets délicats sans heurter les surprésents :

  1. Mentionner les faits constatés par les collègues et par soi-même (par exemple: oublis, erreurs d’inattention, etc.);
  2. Exprimer son ressenti (par exemple: préoccupation, inquiétude, perplexité, etc.);
  3. Tenter d’établir le lien entre ces troubles et les conditions de travail (vit--il des insatisfactions ou des difficultés au travail ? Rencontre-t-il des tensions avec les autres  membres de l’équipe ? A-t-il l’impression de disposer de tous les moyens pour faire  correctement son travail ? Quels sont ses besoins ? Est- il déjà suivi médicalement  au sein de l’entreprise et en dehors ? Comment peut- on l’aider ? Etc. ).

Il est essentiel de veiller à poser ces questions dans le respect de la vie privée du travailleur. A cet égard, Cohezio organise, à la demande des employeurs, des formations en sensibilistation des managers aux cas de souffrance au travail. A l’issue de cette formation, le manager est capable d’identifier les signaux avant-coureurs d’un potentiel burn-out et est capable de mener un entetien de confrontation constructive avec le travailleur en souffrance au travail.

Les travailleurs en souffrance au travail sont également invités à parler de leurs difficultés aux acteurs clés de leur entreprise.

Ils peuvent  s’en ouvrir au médecin du travail, à la personne de confiance ou encore à un conseiller en prévention psychosocial interne ou externe. Ils peuvent en référer aussi directement à leur N+1, du moment qu’une relation de confiance est établie et qu’ils utilisent des moyens de communication non-violente (partir des faits constatés, expression du ressenti et recherche d’une solution).
 

3.  Démarche proactive : sensibiliser et instaurer une politique de santé au travail

La sensibilisation est une action d’autant plus indispensable que les effets du surprésentéisme au travail sont encore méconnus du grand public. Il revient donc aux employeurs et aux pouvoirs publics de rappeler quelques principes de base, dont celui, simple, de la nécessité de s’absenter en cas de maladie. Il est aussi de leur responsabilité d’indiquer aux travailleurs les dangers du surprésentéisme et, plus largement, de les aider à mieux prendre en charge leur santé.
Cette sensibilisation est essentielle pour atténuer la pression sociale qui pèse sur les travailleurs qui osent s’absenter. C’est l’occasion également de changer les mentalités et le regard porté sur les absents : ils n’ont pas toujours tort !
Afin que la sensibilisation des acteurs ne reste pas un « one shot » sans lendemain, l’organisation doit s’impliquer et investir dans une véritable politique en faveur de la santé au travail. En effet, il ne suffit pas de suggérer aux employés de rester à domicile lorsqu’ils sont malades, il faut également les aider à éviter qu’ils le soient.
Il importe dès lors que les organisations puissent interroger leurs politiques RH et managériales : favorisent- elles, oui ou non, la santé du personnel ? Leurs actions pour réduire l’absentéisme s’attaquent- elles par exemple directement aux racines du problème ou bien uniquement aux symptômes ?

Instaurer une collaboration étroite avec son SEPPT et SIPPT en vue de développer au sein de l’organisation une politique de santé efficace (attention portée à l’organisation du travail, accent mis sur l’équité et la reconnaissance, maintien d’un climat de travail harmonieux et d’espaces de travail agréables, mise en place d’un programme de promotion de la santé, formation des managers aux cas de souffrance au travail,  s’assurer de la clarté des objectifs et des rôles de chacun, répartition  équitable de la charge de travail, le respect de l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle, réduction temporaire de la charge de travail et meilleure délégation des tâches, télétravail, mise en place d’une politique de gestion des retours au travail, etc.). La mise en place d’une analyse des risques psychosociaux pourrait être la première démarche à réaliser pour mettre en œuvre une politique de bien-être au travail efficace

Le travailleur doit, lui aussi, contribuer et participer à la politique de la santé instaurée au sein de son organisation. Cependant, il n’est pas toujours évident de s’adresser à son supérieur direct pour discuter avec lui de difficultés professionnelle. Évoquer la question avec le médecin du travail ou un conseiller en prévention pour les aspects psychosociaux peut être un moyen de leur faire jouer ce rôle d’intermédiaire auprès de la Direction et des responsables RH.

Chacun peut également se questionner sur sa propre contribution à la pression sociale qui pousse autrui au surprésentéisme. À travers notre comportement, n’incitons- nous pas nous- mêmes cette attitude chez nos collègues ?

Enfin, chacun est probablement le mieux placé pour prendre la bonne décision pour lui- même quant à sa présence ou son absence au travail au cas par cas. Pour l’un, travailler en réduisant ses horaires et en aménageant son activité sera peut-être la meilleure solution ; pour l’autre, ce sera de prendre trois jours d’arrêt.

Conclusion

Il est essentiel d’éradiquer certaines croyances managériales selon lesquelles nombre d’arrêts maladie seraient injustifiés. Il est plus que pertinent également que les managers de proximité soient formés à l’identification des signaux avertisseurs d’un surprésentéisme pouvant susciter, à long terme, un absentéisme de longue durée. Aussi, il est primordial de pouvoir « remettre de l’humain dans l’entreprise » et réhabiliter le travail comme lieu d’épanouissement en développant une politique de bien-être au travail efficace. Comme le mentionne explicitement notre slogan « votre bien-être notre priorité », Cohezio se tient à votre disposition pour vous aider dans ce processus !

Virginie Di Giamberardino,
Conseiller en prévention aspects psychosociaux

Bibliographie

  • Brun J.-P. et Brion C., « Absentéisme et présentéisme : entre la maladie, la paresse ouvrière et la responsabilité professionnelle », Communication présentée au 74e Congrès de l’ACFAS, 2006.
  • Monneuse D., « Le suprésentéisme: travailler malgré la maladie », Méthodes et recherches management, de Boeck, 2013.
  • Monneuse D., « L’absentéisme au travail : de l’analyse à l’action », Afnor, 2009.
  • Vézina M. et al., « Québec Survey on Working and Employment Conditions and Occupational Health and Safety », IRSST, 2011.
  • Watson Wyatt, « Workcanad », 2007.
  • Widera E. et al., « Presenteeism: a public health hazard », Journal of general Internal medicine, 25/11, 2010.

Publié dans Actuascan, janvier 2017, n°1.