Liberté d’expression sur les réseaux sociaux ?
Service 16 mars 2023

Liberté d’expression sur les réseaux sociaux ?

Les collaborateurs, peuvent-ils publier ce qu'ils veulent sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Linkedin, ….) ?  Les groupes Messenger ou WhatsApp entre collègues sont-ils vraiment des groupes privés ? La réponse est NON.

Dès lors, la question qui se pose est : Où se trouve la limite de la liberté d’expression sur ces médias ? Il n'existe actuellement pas encore de législation spécifique relative à l'utilisation des réseaux sociaux sur le lieu de travail. La jurisprudence nous apprend que des décisions d’employeurs prises à l’égard de travailleurs ayant failli à leur droit de réserve ont été validées par les tribunaux. Nous n’en dresserons pas la liste ici. Nous vous proposons plutôt de vous donner des clés sur les situations sur lesquelles un employeur peut agir. En effet, le chemin est long vers des jugements devant les tribunaux, dès lors le maître mot est la prévention ! Nous répondons donc dans cet article à différentes questions.   
 

Dans quels cas un travailleur peut-il faire l’objet d’une procédure disciplinaire suite à des propos tenus sur Facebook ?

Il existe deux grands principes :

  • Facebook est considéré comme un site public (jurisprudence européenne).

  • La Convention européenne des Droits de l’Homme reconnait le droit de liberté d’expression mais précise également que les salariés ont un devoir de loyauté, de réserve et de discrétion envers leur employeur. Il convient dès lors de rechercher le juste équilibre entre, d'une part, la liberté du travailleur de s'exprimer et, d'autre part, ses obligations à l'égard de l'employeur.

Également, le droit au respect de la vie privée est un droit fondamental.


Concrètement quels sont les comportements pour lesquels un employeur peut prendre position ?

  • la critique offensante ou calomnieuse à l'égard de l'entreprise ou d'un membre de son personnel

  • une publication qui risque de saper l'autorité de l'employeur

  • la divulgation d’informations couvertes par l'obligation de confidentialité et le secret des affaires
  • des déclarations qui ne sont pas en accord avec les normes, ni les valeurs de l’entreprise (ex. arrêt du 24 mars 2017 [1] confirmant le licenciement d’une personne ayant liké sur Facebook une publication à caractère raciste alors que cette dernière avait déjà été convoquée par son employeur, par le passé, afin de lui demander de cesser de partager des contenus à caractère raciste pouvant heurter l’opinion publique et ainsi ternir l’image de son asbl.)
  • l’information via les médias sociaux d'évènements qu'il n'aurait jamais connue autrement comme, par exemple, un employé en incapacité de travail que l’on voit en photo sur Facebook occupé de servir des clients et donc de gagner de l'argent en parallèle


Dans quelles conditions un employeur peut-il utiliser les conversations privées sur Messenger, WhatsApp ou par courriels entre collègues ?

  • lorsque le contenu de ces conversations lui a été soumis par un des destinataires de la conversation (ex : décision prise le 2 juin 2021 par la Cour du travail de Liège [2] : Confirmation du licenciement d’une aide-soignante ayant tenu à plusieurs reprises des propos racistes et dénigrants vis-à-vis d’un de ses collègues dans le cadre d’une conversation Messenger avec un autre de ses collègues. Ce dernier, choqué par les propos tenus, a rapporté ces propos à son employeur.) ;
  • Le contenu porte sur les conditions de travail ou les relations au travail. 
  • Il n’y a pas eu de manœuvres frauduleuses pour accéder à l'information.
  • Les preuves soumises à l’employeur sont fiables.
  • La personne est informée du fait que l’employeur a la preuve et a donc la possibilité de se défendre.


Comment prévenir les difficultés ?

La plupart des travailleurs ignorent les implications de leurs publications ou de leurs conversations entre collègues invoquant la liberté d’expression ou le caractère privé de leurs conversations. Dès lors vous pourrez prévenir ces comportements :

  • en réalisant des campagnes d’information ou de sensibilisation à cette question.
  • en prévoyant des règles relatives à la participation aux médias sociaux. En tant qu’employeur, vous pouvez légitimement mettre en place un "code de conduite" à suivre par vos travailleurs, même en dehors des heures de travail. Ce code de conduite permettra d'éviter la divulgation d'informations confidentielles, les atteintes aux droits d'auteur… et responsabilisera les travailleurs.
  • en complétant la liste des faits pouvant être considérés comme un motif grave de rupture dans le règlement de travail. Il faut, dans ce cas, suivre la procédure de modification du règlement de travail.
  • Si malgré tout ce genre de publications persistent, nous vous conseillons de demander à rencontrer le travailleur pour lui expliquer ses obligations en tant que travailleur : « s’abstenir de toute forme de violence, de harcèlement moral ou sexuel au travail » [3] et son devoir de loyauté. Cela permettra au travailleur de prendre conscience du fait que vous avez connaissance de ces publications et qu’il contrevient à ses obligations.
  • Dans les cas graves, ou en cas de persistance des publications inappropriées, il s’agira de prendre des dispositions afin de mettre en évidence que cela n’est pas autorisé dans votre organisation et ainsi dissuader d’autres membres du personnel.


Comment Cohezio peut-il vous aider ?

  • Cohezio organise des sensibilisations de la ligne hiérarchique ou des travailleurs aux risques psychosociaux et aborde les difficultés spécifiques à l’utilisation des réseaux sociaux.
  • Vous pouvez contacter un conseiller en prévention aspects psychosociaux si vous êtes confronté à ce genre de problématique que ce soit pour vous aider dans votre campagne de sensibilisation, vous donner des conseils sur une situation problématique spécifique, vous aider à aborder un entretien de recadrage sensible…

Elise Herpoel
Conseiller en prévention Aspects psychosociaux

 

[2] Cour du travail de Liège, division Namur, 20 mai 2021, R.G. n°2020/AN/42

[3] Loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs