Prévention des risques psychosociaux au travail :
Publication 29 janvier 2020

Prévention des risques psychosociaux au travail :

La plus-value d’une collaboration entre médecins et psychologues

 Face aux risques psychosociaux qui prennent de plus en plus d’ampleur dans le monde du travail, quel est le rôle du médecin du travail ? Comment concevoir un travail d’équipe avec le conseiller en prévention aspects psychosociaux pour une prévention plus efficace ? Quels sont les avantages et les freins de cette collaboration ?
Nous avons voulu aborder toutes ces questions en nous basant sur l’expérience de notre propre collaboration1, que nous avons développée au fil des années. Dans la prévention des risques psychosociaux, nous avons chacun notre rôle à jouer.


Rôle du Médecin du travail

Avant que le rôle du conseiller en prévention aspects psychosociaux (CPAP) ne soit légalement instauré en 20022, le médecin du travail s’occupait seul des aspects psychosociaux du bien-être au travail. Depuis lors, c’est le CPAP qui gère plus spécifiquement cette matière. Cependant, le médecin du travail reste  un acteur incontournable dans la prévention des risques psychosociaux.

Il est un interlocuteur privilégié pour les dirigeants d’entreprise, les travailleurs comme pour les syndicats.  Il participe aux différents Comités pour la Prévention et la Protection au travail (CPPT), et rencontre les travailleurs de l’entreprise dans le cadre des visites médicales (visites des lieux de travail, examens périodiques, trajets de réintégration, …). Sa collaboration avec le CPAP est aussi intéressante dans le cadre de la prévention des assuétudes au travail (CCT 100), du plan pour l’emploi des travailleurs âgés (CCT 104) ou encore du trajet de réintégration au travail.


Rôle du Conseiller en Prévention aspects psychosociaux

Tout employeur est obligé de mener une politique dans son entreprise pour promouvoir le bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail. Cette politique du bien-être au travail, en plus d’être centrée sur les risques pour la sécurité et la santé, doit également porter sur les risques psychosociaux au travail.

Dans ce cadre, le CPAP collabore avec l’employeur en le conseillant dans sa politique de prévention, en l’aidant à réaliser des analyses de risques. Celles-ci peuvent s’effectuer au niveau de l’organisation dans son ensemble (analyse globale) ou au niveau d’une situation de travail spécifique dans laquelle un danger est détecté (dans un service particulier, au sein d’une équipe). Différents outils peuvent être utilisés par le CPAP pour analyser les risques : questionnaire standardisé, focus-groups, entretiens individuels.

Le CPAP intervient également à la demande du travailleur qui vit une situation de souffrance au travail. Il propose des entretiens d’aide (écoute, soutien psychosocial, conseils) et peut également intervenir auprès des parties comme facilitateur (conciliation). Son intervention peut se faire au niveau individuel ou collectif, de manière informelle ou formelle.


Notre complémentarité

Notre complémentarité provient bien évidemment de la différence de formation de départ, mais également des relations différentes que nous entretenons avec les travailleurs, employeurs et syndicats.

Lors des visites médicales, le médecin du travail a l’occasion de rencontrer tant les travailleurs qui se portent bien que ceux qui souffrent. Cela lui permet d’appréhender le niveau de bien-être global des travailleurs en entreprise. Le CPAP n’est, en général, sollicité que par les travailleurs qui ne vont pas bien et ses contacts avec les dirigeants et les syndicats ne se font généralement qu’à l’occasion de situations problématiques constatées. Son analyse part donc de données différentes.

De plus, la souffrance au travail liée au risques psychosociaux s’exprime également par des symptômes physiques que le médecin du travail peut détecter, surtout dans les secteurs où les visites médicales sont prévues régulièrement.

Enfin, les risques psychosociaux sont eux-mêmes multifactoriels, et ont besoin d’être analysés et pris en charge à différents niveaux (santé, ergonomie,…). Ensemble, nous développons une approche systémique plus globale. 


Concrètement, comment collaborer ?

La première collaboration se situe au niveau des échanges d’informations. Le médecin du travail transmet au moins 1 fois par an à l’employeur, au CPAP et aux personnes de confiance les éléments utiles à l’évaluation des mesures de prévention, résultant des examens médicaux et des visites des lieux de travail. Ces données sont collectives et anonymes.

Dans le cas d’une demande d’un travailleur pour une nouvelle affectation ou des mesures d’aménagement de poste de travail, le médecin du travail peut informer lui-même le CPAP (ou les personnes de confiance) sous réserve de l’accord écrit du travailleur. Cela permet une concertation sur les différentes possibilités. Le médecin du travail peut également demander l’avis écrit du CPAP quand le travailleur a introduit une demande d’intervention psychosociale formelle, avant qu’il ne soit examiné par lui.

Enfin, quand le médecin du travail constate une détérioration de la santé d’un travailleur provenant de risques psychosociaux, il l’oriente vers le CPAP, qui dispose de plus de temps, et dont c’est le corps du métier.


Comment encourager la collaboration ?

Cette collaboration nécessite un temps d’échanges et de partage à planifier dans les agendas bien chargés. Le nouvel arrêté royal du 14/05/2019 permettra de retrouver du temps pour le médecin du travail3 afin d’être au cœur de l’entreprise.

Au niveau de l’organisation, nous préconisons d’associer le médecin du travail à l’analyse de la demande des risques psychosociaux ainsi qu’aux présentations des résultats à la direction et aux syndicats. Dans certains cas, Il y a lieu également d’y associer un ergonome.

Nous collaborons aussi avec le conseiller en prévention interne qui joue le rôle de coordinateur et d’interface entre l’entreprise et nous. Nous développons également des collaborations étroites avec des services d’aides spécialisés dans le cadre de la prévention tertiaire (clinique du stress,…)

C’est dans le but de renforcer l’approche multidisciplinaire que Cohezio a mis en place un plan de formation ambitieux pour tous ses conseillers en prévention. Cette formation permettra à nous tous d’avoir une meilleure connaissance des métiers et spécificités de chacun, et notamment une meilleure connaissance des aspects psychosociaux. Une meilleure prévention et des interventions plus efficaces : c’est notre objectif commun ! Nous nous rendons compte à quel point nos échanges donnent plus de sens à notre travail et en améliorent la qualité. C’est ce qui permet d’instaurer avec nos clients une relation de confiance dans la durée.

Véronique Piérart, 
Conseillère en prévention aspects psychosociaux) et

Dr Vanessa Binet ,
Conseillère en prévention médecin du travail

Avec la collaboration de Catherine Jadoul,
anager du Département psychosocial

 

Ce texte se base sur la conférence donnée par V. Binet, médecin du travail, et V.Piérart, conseiller en prévention aspects psychosociaux, le 15/11/2019 dans le cadre des conférences post-universitaires de l’UCL en Médecine et Hygiène du travail.
Ce n’est que par la loi du 4 août 1996 que les risques psychosociaux sont définis, et c’est  la loi du 11 juin 2002 qui reconnaît le rôle du CPAP dans la législation relative à la protection contre la violence, le harcèlement moral ou sexuel.

Cet arrêté diminue en effet la cadence des visites médicales périodiques.

Publié dans Actuascan, janvier 2020, n°1.