L’employeur est-il tenu de rembourser les semelles orthopédiques à placer dans les chaussures de sécurité ?
Législation 23 mai 2023

L’employeur est-il tenu de rembourser les semelles orthopédiques à placer dans les chaussures de sécurité ?

L’employeur est-il tenu d’intervenir dans l’achat de semelles orthopédiques si un travailleur doit en porter dans les chaussures de sécurité ? La réponse est nuancée. À proprement parler, il n’y a pas d’obligation légale explicite, mais il est fortement recommandé à l’employeur d’intervenir dans ces frais. L’article ci-dessous en explique les raisons. 

Contenu 

Aucune obligation stricte 

Au sens strict des dispositions légales, il n’existe à première vue aucune obligation de ce type. Le Code du bien-être au travail impose à l’employeur de fournir des équipements de protection individuelle (EPI) à ses travailleurs. Les chaussures de sécurité sont des EPI, mais pas les semelles orthopédiques. Le Code du bien-être comporte toutefois différents arguments motivant une intervention.

Prise en compte d’un défaut physique et de l’ergonomie 

Ce même Code oblige l’employeur à prendre en considération les défauts physiques et l’ergonomie : 

  • Lors de l’achat d’EPI, l’employeur doit prendre en considération « les personnes qui ont un handicap ou un défaut physique, pour qu’il soit tenu compte par exemple, de la ‘nécessité’ du port (…) de semelles orthopédiques. » (Code, art. IX.2.10) 
  • Les EPI doivent également être suffisamment confortables et ergonomiques. La législation prescrit en effet que tout EPI doit « … tenir compte des exigences ergonomiques, de confort et de santé du travailleur » et « convenir au porteur, après tout ajustement nécessaire. » (Code, art. IX.2.9) 

Le Code est très clair en ce qui concerne les chaussures de sécurité orthopédiques : en cas de défaut physique grave, comme la fixation de l’articulation de la cheville suite à une grave fracture de la cheville, il sera nécessaire de porter des chaussures orthopédiques. En ce qui concerne les défauts mineurs et les semelles orthopédiques, le Code n’évoque cependant aucune nécessité. 
Il existe toutefois une obligation légale explicite de proposer des chaussures de sécurité qui tiennent suffisamment compte des exigences ergonomiques, de confort et de santé du travailleur. 

Prise en compte des exigences de sécurité 

Le Code (Art. IX.2-9) stipule également que tout EPI doit dans tous les cas être approprié à la prévention des risques, sans induire lui-même un risque accru. Et c’est précisément là que le bât blesse : les semelles orthopédiques peuvent parfois affecter la sécurité des chaussures de sécurité
Dans notre édition de mai 2022, nous décrivions la nouvelle norme EN ISO 20345:2022. Cette nouvelle norme – en particulier mais non exhaustivement les rubriques 8.2, 8.3 et l’annexe A – décrit les problèmes qui peuvent survenir et ce dont il faut tenir compte lorsque les travailleurs mettent leurs propres semelles orthopédiques (“customized insocks”) dans les chaussures de sécurité :

  • Le pied risque d’être moins bien protégé si un objet lourd tombe dessus, du fait que les orteils se retrouvent plus près du bout renforcé. 
  • Les semelles orthopédiques qui ne sont pas correctement ajustées aux chaussures de sécurité peuvent rendre l’équilibre du travailleur moins stable. Selon la norme, l’ajustement de la semelle doit être testé sur le terrain par le travailleur et le podologue. 
  • Les propriétés antistatiques ou, au contraire, partiellement conductrices de la chaussure ne doivent pas être altérées du fait de l’utilisation d’une semelle orthopédique. À cet égard, une semelle orthopédique inadéquate pourrait s’user trop vite, devenir trop vite humide ou rester trop longtemps humide, ... ce qui exposerait le travailleur à un risque accru de choc électrique, ou à l’inverse cela pourrait engendrer plus rapidement de l’électricité statique (étincelles) lors de travaux avec des liquides inflammables, par exemple. 
  • Pour les travailleurs souffrant d’une épine calcanéenne persistante, la norme autorise d’avoir une ouverture maximale allant jusqu’à six centimètres carrés laissée par la semelle orthopédique, à condition que les propriétés protectrices de la chaussure de sécurité soient maintenues.

Dans de rares cas, une semelle orthopédique pourrait aggraver les blessures provoquées par un accident du travail ou participer à la cause de l’accident du travail. 

Avis de Cohezio

Large gamme de chaussures de sécurité 
Il existe une obligation légale explicite de proposer des chaussures de sécurité suffisamment adaptées aux exigences en matière d’ergonomie, de confort, de santé et de sécurité du travailleur. Il est donc recommandé d’offrir aux travailleurs une large gamme de chaussures de sécurité. Dans certains cas, les travailleurs n’auront même pas besoin de semelles orthopédiques. Les possibilités de choix permettent également d’augmenter la motivation à porter réellement les chaussures de sécurité.

Semelles orthopédiques spécialisées 
Une solution possible aux problèmes d’ergonomie, de confort et de sécurité consiste à utiliser des semelles orthopédiques spécialisées adaptées à la chaussure de sécurité et à l’utilisateur. Il existe des cabinets de podologie spécialisés qui fabriquent des semelles orthopédiques spécialement conçues pour les chaussures de sécurité et adaptées à l’utilisateur. Ils tiennent compte des caractéristiques techniques de la chaussure, se renseignent si nécessaire auprès du fabricant, et fabriquent une semelle orthopédique qui préserve les propriétés protectrices de la chaussure. Une condition absolue est que le travailleur apporte ses chaussures de sécurité au cabinet de podologie lors de la mesure des semelles orthopédiques, et qu’un test soit ensuite effectué. 

En collaboration avec Co-Prev (l’association des services externes), des podologues et des orthopédistes, Febelsafe (la fédération belge des fournisseurs d’EPI) a constitué un dossier à ce sujet reprenant une liste de prestataires de services proposant ce type de semelles adaptées. Cette liste n’est pas exhaustive. Nous recommandons de faire appel à des cabinets de podologie ayant de l’expérience et faisant preuve de professionnalisme dans ce domaine. Il est clair que les risques électriques et les risques d’incendie évoqués ci-dessus ne sont pas des sujets qu’un podologue connaîtra d’emblée.

Avantages que présente le remboursement de semelles orthopédiques pour l’employeur

  • Prendre soin de son personnel a un effet motivant.
  • Des semelles orthopédiques adaptées peuvent permettre une usure moins rapide des chaussures de sécurité.
  • Des semelles orthopédiques sont moins chères que des chaussures orthopédiques.
  • Si malgré tout, un accident du travail grave se produit, l’employeur est certain d’être légalement en ordre, à condition de faire appel à des entreprises spécialisées et de respecter une procédure de médecine du travail.

Éviter tout usage impropre 

Une crainte pas tout à fait infondée des employeurs est que les semelles orthopédiques qu’ils ont en partie payées soient utilisées principalement à des fins privées. Il est préférable de discuter des solutions possibles en la matière en comité pour la prévention et la protection et de les faire figurer au règlement de travail : 

  • fixer un montant maximal juste pour le remboursement ;
  • demander éventuellement (sans obligation) une facture prouvant l’achat de semelles orthopédiques personnelles à usage privé, etc. ;
  • procédure de médecine du travail : n’autoriser les semelles orthopédiques spécialisées que moyennant un certificat préalable d’un médecin spécialiste et l’approbation du médecin du travail ;
  • demander que les semelles orthopédiques restent toujours dans les chaussures de sécurité au travail ;
  • prévoir un délai minimal de remplacement, par exemple tous les deux ans.

Conclusion

Les semelles orthopédiques ne constituent pas des équipements de protection individuelle (EPI). Il n’existe dans le chef de l’employeur aucune obligation légale explicite d’intervention financière dans l’achat de semelles orthopédiques à placer dans les chaussures de sécurité, mais il est fortement recommandé d’intervenir dans ces frais. 

Il existe toutefois une obligation légale explicite de fournir des chaussures de sécurité suffisamment adaptées aux exigences en matière d’ergonomie, de confort, de santé et de sécurité du travailleur. Il convient donc de proposer aux travailleurs une large gamme de chaussures de sécurité. Il arrive dans ce cas que les travailleurs n’aient pas besoin de semelles orthopédiques. 

Si l’employeur décide de financer des semelles orthopédiques pour ses travailleurs, il devra, conformément à la norme EN ISO 20345:2022, faire appel à des cabinets de podologie spécialisés et expérimentés.