Les 19°C deviennent la nouvelle norme
Publication 27 septembre 2022

Les 19°C deviennent la nouvelle norme

1. Contexte

Partout en Europe, des voix s’élèvent pour imposer la température de 19°C comme température intérieure maximale en hiver dans les maisons et les lieux de travail. Mais est-ce un choix judicieux d’un point de vue de la prévention et de la santé ? Cette température sera également respectée dans nos bâtiments publics, il s’agit d’une décision du Comité de concertation « Energie » du 31 août 2022. La Fédération des entreprises de Belgique (FEB) souhaite que les entreprises appliquent également cette mesure dans les bureaux. Cet automne, le gouvernement veut sensibiliser la population à la consommation d’énergie. L’objectif ? Faire baisser notre consommation d’énergie à l’heure où les prix s’envolent.

La température moyenne à l’intérieur des bâtiments publics est habituellement de 20 à 21°C. Le principe est de diminuer cette température d’un degré, sous la devise : des petites mesures pour un grand effet. Le plan de l’Union européenne intitulé ‘Save gas for a safe winter’ n’en fait pas un objectif en soi, mais exhorte les pays membres à examiner le potentiel qu’offre la baisse du thermostat d’un degré.

Du point de vue du bien-être, est-ce envisageable d’avoir une température intérieure maximale de 19 degrés ? Ce qui est certain, c’est que l’on est loin de la température que l’on considère généralement comme confortable. De nombreuses études ont été menées de par le monde et il ressort que 22°C est la température à laquelle les gens ressentent en moyenne le plus grand confort thermique.

2. Le confort thermique diffère d’une personne à l’autre

Cette température de 22°C n’est pas à généraliser, il s’agit d’une moyenne. À la question de savoir quelle est une température agréable, les réponses varient entre 17 et 27 degrés. La température de 22 degrés se situe juste au milieu de ces deux extrêmes. Généralement, les femmes ont plus souvent froid que les hommes. Cela s’explique en partie par la composition corporelle. Le tissu produisant le plus de chaleur dans le corps est le tissu musculaire, et ce tissu se retrouve en plus grande proportion chez les hommes. Les personnes âgées ont aussi généralement plus de mal à réguler leur chaleur corporelle.

3. Température minimale

La température est l’une des sources majeures d’irritation dans les bureaux.

Travailler avec une température intérieure de 19 degrés n’est toutefois pas mission impossible, que ce soit pour les hommes ou les femmes.

Il y a en effet un facteur que l’on peut influencer : les vêtements que l’on porte. Quand il fait froid, on peut porter davantage de vêtements alors qu’à l’inverse, quand il fait chaud, il est parfois moins évident d’ôter des vêtements.

S’habituer à la nouvelle température nécessitera certes un certain laps de temps.

Pourtant on ne peut pas non plus partir trop vite du principe qu’une température maximale de 19°C dans tous les bâtiments publics est une température confortable. Le confort thermique ne se résume en effet pas à la valeur indiquée par le thermomètre. Les courants d’air ou un sol froid affectent aussi la sensation de confort.

4. Le confort thermique selon la législation sur le bien-être au travail

Les valeurs d’action d’exposition à la chaleur et au froid sont reprises dans le Code du bien-être au travail (ambiances thermiques). Le tableau suivant illustre les températures qui correspondent à une sensation de « confort thermique » en fonction de la pénibilité du travail (mesurée en consommation d’énergie métabolique).

Le travail de bureau peut être classé comme travail très léger ou léger : peut-on dans ce cas considérer qu’une température minimale de 16 à 18°C est confortable dans les bureaux ? Non, on ne peut l’affirmer ainsi. Ces valeurs légales ne représentent en effet pas des valeurs de confort, tant pour ce qui est de la chaleur que du froid. En fait, il n’est pas très pertinent de se référer à ces valeurs pour le travail de bureau.

Le Code du bien-être au travail fait donc aussi référence à la norme NBN EN ISO 7730 et aux indices PMV (Predicted Mean Vote ou vote moyen prévisible) et PPD (Predicted Percentage of Dissatisfied ou pourcentage prévisible d’insatisfaits) qui donnent une indication du confort thermique dans des environnements ‘modérés’ tels que les bureaux.

Chacun diffère en effet dans sa perception du confort thermique. C’est ainsi que le ‘vote’ et le ‘pourcentage’ de personnes qui ressentent une sensation de confort thermique au bureau ne dépassera jamais les 95%.

Autrement dit, même dans des conditions thermiques idéales, un minimum de 5% des personnes n’auront pas une sensation de confort thermique / ne seront pas satisfaites de la température (indice PPD de personnes ‘insatisfaites’ d’au moins 5%).

Comme valeur indicative du confort thermique, on peut partir du principe que l’indice PPD (pourcentage d’insatisfaits) devrait idéalement se situer entre 5 et 10%.

Le Code du bien-être au travail comporte également la disposition générale suivante : « Les lieux de travail dans lesquels sont installés des postes de travail présentent une isolation thermique suffisante, compte tenu de la nature de l’activité de l’entreprise ou de l’institution. ». L’isolation des bâtiments permet en effet également d’améliorer les choses et devient d’autant plus importante vu le prix des énergies.

Il est également recommandé d’aérer régulièrement les lieux de travail, mais de privilégier les aérations brèves afin de conserver la chaleur à l’intérieur du bâtiment grâce à l’inertie.

5. Analyse concrète

Le tableau suivant présente une comparaison de l’insatisfaction quant au confort thermique dans le cas du port de vêtements d’automne/hiver et du port de vêtements plus légers de printemps/été. Ce tableau a été établi après l’analyse d’une situation concrète où un travail très léger d’un point de vue métabolique était effectué (travail de bureau). Les valeurs ont été mesurées pour une humidité relative de 45% et une vitesse de l’air de 0,1 m/s. Ces valeurs peuvent être saisies dans un logiciel à partir duquel différentes simulations peuvent être réalisées (voir la dernière partie de l’article).

Ce tableau reprend le pourcentage de personnes qui sont insatisfaites du confort thermique (= indice PPD ou pourcentage prévisible d’insatisfaits, la directive étant d’avoir un indice PPD inférieur à 10%) en fonction des différentes températures.

D’après ces données, on peut voir que dans cette situation concrète, on atteint encore une situation de confort thermique à la température de 20°C moyennant le port de vêtements d’automne/hiver. Il n’est toutefois plus question de confort thermique à 19°C. À 19°C, le pourcentage d’insatisfaits est en effet théoriquement de 12%... on dépasse donc tout juste l’indice PPD de 10%. Un dépassement aussi minime est toutefois considéré comme acceptable.

En portant des vêtements de printemps/été, on peut voir que dans cette situation concrète, le confort thermique n’est atteint qu’à partir des 23°C, ce qui est bien entendu irréalisable au vu des prix actuels des énergies.

Le type de vêtements portés a donc un impact énorme sur le confort ressenti ! Si l’on porte des vêtements trop légers, le risque de ressentir une sensation d’inconfort à une température de 19°C va considérablement augmenter.

6. Que faire en tant que conseiller en prévention ?

  • Écouter les plaintes exprimées par les travailleurs (trop chaud, trop froid, sensation d’air sec, courants d’air, boissons chaudes à disposition, etc.) et les interpréter correctement. Le confort thermique ne se limite pas à la température. À ce propos, voir également le point 3.
  • Aborder les problèmes avec le comité pour la prévention et la protection au travail ou, en l’absence de ce comité, avec la délégation syndicale.
  • Réaliser des mesures des paramètres climatiques (température, humidité relative de l’air, vitesse de l’air et rayonnement)
  • Éviter que les collaborateurs n’apportent leurs propres appareils de chauffage électriques sur le lieu de travail (risque d’incendie, consommation accrue d’électricité…)
  • Évaluer l’isolement thermique des vêtements, exprimé en ‘clo’ (tiré de l’anglais ‘clothing’, il s’agit de l’indice de protection thermique des vêtements, utilisé dans la norme) :

Tenue d’été = 0,6 clo (t-shirt à manches courtes, pantalon, etc.) ou tenue d’hiver = 1 clo (chemise à manches longues, manteau, pantalon). Encouragez dès lors vos collaborateurs à porter des vêtements suffisamment isolants. Permettez à vos travailleurs de laisser un pull au travail. Veillez dès lors à mettre à leur disposition des porte-manteaux et des casiers en suffisance au bureau.

  • Veiller à la bonne isolation des lieux de travail. Limiter au maximum les courants d’air.
  • Évaluer la charge physique de l’activité/le métabolisme, exprimé en watt. Dans le cas du travail de bureau, il peut être judicieux d’augmenter quelque peu la charge physique.

(Travail de bureau typique = 126 watts). Plus la charge physique est importante et moins il faut s’habiller chaudement. Pour le travail sur écran, le fait d’alterner avec la position debout (utilisation de bureaux assis-debout) permet aussi de brûler un peu plus d’énergie et de résister un peu mieux au froid. En outre, la station debout permet de diminuer les risques de santé liés à la station assise (« sitting disease » = risque accru de développer un ou plusieurs des effets suivants sur la santé : certains problèmes d’ordre ergonomique, diabète, cholestérol élevé…). Si l’on ne possède pas de bureau assis-debout, il faut suivre la directive du triangle du mouvement (de l’Institut flamand pour une vie saine) qui préconise de se lever toutes les demi-heures et de bouger un peu, ce qui est encore plus bénéfique pour la santé que le simple fait d’utiliser un bureau assis-debout (son utilisation n’implique en effet pas que l’on va bouger) et permet aussi d’augmenter la température corporelle et de là, le confort thermique.

Il est également judicieux de prévoir des distributeurs de boissons chaudes pour les collaborateurs. Si les travailleurs bougent régulièrement, ils pourront par exemple aller chercher un thé, un café, une soupe chaude…

S’ils n’ont pas envie de prendre un café chaud, ils pourront se déplacer pour discuter directement avec leurs collègues. Ou encore faire quelques exercices comme ceux illustrés dans les vidéos que Cohezio a réalisées spécialement pour les travailleurs de bureau : https://www.cohezio.be/fr/videos.

Toutes ces solutions permettent d’augmenter le confort thermique et ont aussi d’autres effets positifs sur la santé. 

  • Porter des vêtements suffisamment chauds.

  • Veiller à mettre à la disposition des travailleurs des porte-manteaux et éventuellement des casiers en suffisance pour leur permettre de laisser un gros pull au bureau.

  • Fournir à ses travailleurs des boissons chaudes en suffisance.

  • Veiller à ce que les travailleurs écran bougent toutes les demi-heures (= directive du triangle du mouvement).

  • Ou, si possible, installer des bureaux assis-debout. Travailler en alternance en position debout permet d’augmenter la consommation d’énergie, d’améliorer le confort thermique et de prévenir les affections liées à la position assise (« sitting disease »).

  • Veiller à l’isolation suffisante du lieu de travail.

  • Utiliser le logiciel permettant de calculer l’indice PPD (pourcentage prévisible de personnes insatisfaites).
    Si le PPD est inférieur à 10%, on peut parler de confort thermique. L’inconfort thermique commence à partir de 10% de personnes insatisfaites.

9. Comment Cohezio peut-il vous aider ?

En mesurant et en analysant les paramètres climatiques à l’aide d’appareils calibrés, on peut modéliser le pourcentage prévisible de personnes insatisfaites.

Nous analysons les variables suivantes et les intégrons ensuite dans un rapport :

  • la température de l’air
  • l’humidité relative de l’air
  • la vitesse de l’air
  • le rayonnement : la température globe noir
  • le métabolisme (watt)
  • l’indice d’isolement thermique des vêtements (clo)

Le logiciel permet de faire des simulations pour obtenir un confort thermique satisfaisant.

Nous vous présentons ci-dessous quelques simulations (avec les valeurs reprises dans la norme ISO 7730).

Dans une première simulation, on indique un facteur clo de 1 (tenue professionnelle légère) pour une activité de 1 MET (activité en position assise), une température de l’air et une température de rayonnement de 19°C, une vitesse de l’air de 0,1 m/s et une humidité relative de 45% :

La simulation ci-dessus montre que le PPD atteint 35,2, ce qui indique qu’il n’y a pas de confort thermique.

En reprenant la configuration ci-dessus et en faisant passer le facteur clo de 1 (tenue professionnelle légère) à 1,8 (tenue professionnelle chaude), on obtient un PPD de 5, ce qui indique qu’il y a confort thermique.

En modifiant l’activité et en la faisant passer à 1,5 MET (travail debout), tout en gardant un facteur clo de 1 (tenue professionnelle légère), on obtient un PPD de 6,9, ce qui indique qu’il y a également confort thermique. D’un point de vue ergonomique, il reste toutefois important d’alterner le travail debout et assis.

On peut ensuite commenter les analyses et discuter du rapport, et Cohezio pourra ainsi vous donner des conseils concrets.

Vous êtes intéressé·e ?

Alors contactez votre personne de référence auprès de Cohezio ou contactez notre secrétariat par mail à l’adresse fos@cohezio.be ou par téléphone au numéro 02/533.74.11.

Référence

Code du bien-être au travail, Livre V.- Facteurs d’environnement et agents physiques, Titre 1er.- Ambiances thermiques

Ing. Bouttelgier Kris
Technical Risk Team Manager
Conseiller de prévention niveau 1 et hygiéniste