Les repose-poignets pour claviers et souris sont-ils indispensables ?
Publication 25 février 2019

Les repose-poignets pour claviers et souris sont-ils indispensables ?


Claviers et souris : gage d’efficacité mais également source de douleurs !

L’utilisation régulière et intensive de certains objets du quotidien peut amener progressivement à des douleurs articulaires nommées troubles musculo-squelettiques (TMS). C’est le cas dans le domaine informatique avec la manipulation des souris et claviers d’ordinateurs. Si ces outils informatiques ont fortement facilité et accéléré le travail de millions de personnes, l’apparition de douleurs aux avant-bras et poignets est fréquemment décrite par leurs utilisateurs.

De multiples causes peuvent être à l’origine de ces problèmes. La répétition des gestes est certainement un facteur important. La posture adoptée pour manier ces dispositifs est également à prendre en considération au même titre que la durée d’utilisation.

L’apparition des claviers et souris

Dans le courant des années 1960, les concepteurs des premiers claviers et souris n’étaient pas très soucieux de préserver la santé articulaire des utilisateurs et les capacités technologiques de miniaturisation n’étaient pas encore très développées. Le premier prototype de souris (figure 1) ne présentait pas le design des modèles actuels. Inspirés des machines à dactylographier (pour ne pas dérouter les utilisateurs), les claviers étaient encombrants et relativement épais (figure 2). De plus, dans les années 1980, les concepteurs les ont pourvus de petites pattes repliables, car certaines normes obligeaient à prévoir un réglage en hauteur de l’arrière du clavier.

Figure 1 - Prototype de souris développée par Douglas Engelbart et présentée au public en 1968Figure 2 - Clavier intégré Amiga 600 : épaisseur importante


Une caractéristique à prendre en considération : l’épaisseur du clavier

L’épaisseur importante du clavier et le relèvement volontaire de ces pattes du clavier contribuent à placer le poignet en extension. Cette position sollicite un travail important des muscles extenseurs du poignet avec comme conséquence une possible fatigue musculaire. Elle impose des contraintes sur les tendons qui peuvent s’enflammer et donner lieu à des tendinites. De plus, cette position étendue du poignet augmente la pression dans le canal carpien aboutissant dans de nombreux cas à une inflammation des tendons et nerfs qui le parcourent (figures 3 et 4).

Figure 3 - Angulation marquée pour le poignet lors de l'utilisation d'un clavier épaisFigure 4 - Angulation fort marquée pour le poignet lors de l'utilisation d'un clavier épais et du relèvement des pattes (cercle rouge)

Il en est de même pour l’utilisation de la souris. Certains modèles présentent une configuration fortement bombée qui oblige également l’utilisateur à étendre le poignet pour la manipuler (figure 5). Le problème est moins important que pour le clavier excepté si la souris ne correspond pas à la dimension de la main de l’utilisateur (figure 6) et que les doigts doivent être fort fléchis pour atteindre le clic.

Figure 5 - Angulation marquée du poignet lors de l'utilisation d'une souris fortement bombée

Figure 6 - Angulation plus marquée du poignet lors de l'utilisation d'une souris fortement bombée et une souris trop petite pour la main de l’utilisateur


Les repose-poignets : solution radicale sans contre-indication ?

Sur base de cette problématique, des concepteurs ont proposé des supports permettant de minimiser cette angulation au niveau du poignet. L’objectif visé était une réduction voire une disparition des douleurs consécutives à l’utilisation de ces claviers et souris.

Si certaines personnes semblent en être satisfaites, d’autres ont rapidement placé ces dispositifs dans leurs tiroirs.

En effet, si ces repose-poignets peuvent présenter une amélioration de la posture du poignet, ils ne sont pas exempts d’effets secondaires voire de contre-indications.

  • La mise en place de ce support réduit effectivement l’extension du poignet, permettant d’économiser ainsi le travail de certains muscles de l’avant-bras. Cependant, l’appui permanent du poignet sur le support est contraignant (figure 7). Il induit une pression accentuée sur le canal carpien qui peut également contribuer à irriter et enflammer les tissus fragiles qui y passent (figures 7 et 8). C’est particulièrement le cas des repose-poignets en matériau dur. A l’inverse, l’absence de repose-poignet (figure 8) est contraignant pour les muscles qui étendent le poignet mais le large appui de l’avant-bras répartit mieux la pression.
Figure 7 – Clavier épais et utilisation d'un repose-poignet : extension moins forte au niveau du poignet mais pression accentuée sur le canal carpien (rectangle rouge)Figure 8 - Clavier épais sans repose-poignet: extension plus forte au niveau du poignet mais pression mieux répartie sur l'avant-bras (rectangle vert)
  • Certains modèles avec un gel incorporé sont destinés à amortir et répartir cette pression sur le poignet. Le matériau tendre joue un rôle léger dans ce sens en augmentant légèrement la surface d’appui mais la pression par unité de surface reste malgré tout importante. De plus, il est fort vraisemblable que ce gel perde sa capacité d’amortissement après un certain temps d’utilisation.
  • La transpiration accentuée par le contact permanent génère une hygiène douteuse sur le tissu et des cas d’allergies cutanées ont déjà été recensés dans la littérature (1).
  • L’utilisation d’un repose-poignet avec la souris réduit l’amplitude de mouvement du dispositif de pointage. Le poignet est figé sur le support et les mouvements latéraux ou antéro-postérieurs sont plus compliqués et peuvent nécessiter une force plus importante pour gérer cette fixation.
  • La place requise par ce support complique la bonne disposition de la souris et du clavier et d’un éventuel porte-document. La souris posée sur le tapis avec repose-poignet incorporé est alors déportée vers la droite et implique une position de l’épaule en rotation qui peut à la longue impliquer des douleurs (figure 9).
Figure 9 - la grande dimension d'un clavier conjuguée à la présence d'un repose-poignet pour la souris déplace le bras droit sur le côté et impose une rotation de l'épaule
  • Un problème auquel il faut être attentif concerne la croyance en un artifice miraculeux qui, à lui seul, supprimera les douleurs. L’utilisateur rassuré n’est plus attentif aux autres recommandations préventives. Il oublie notamment de réaliser des moments de pauses mises à profit pour varier les positions, permettre le relâchement des muscles du membre supérieur et éventuellement réaliser des exercices physiques légers.
     

Des recommandations pour réduire l’apparition des douleurs ?

Dans certains cas, le remplacement du clavier d’épaisseur importante par un clavier fin peut aider à résoudre le problème. Le poignet ne présente pas d’extension inutile et la pression sur l’avant-bras posé sur le plan de travail est bien répartie (figure 10). Le relèvement des pattes du clavier n’est généralement pas utile. S’il aide les néophytes à identifier plus aisément les touches du clavier, il convient de s’en passer autant que possible.

L’utilisation d’un repose-poignets avec un clavier fin est à déconseiller. En effet, le poignet est dans un alignement convenable et le fait d’ajouter un appui comprime inutilement le canal carpien (figure 11).

La disposition du clavier face à l’utilisateur et à 10-15cm du bord du plan de travail permet de poser les poignets sur celui-ci et repose les muscles des bras et des épaules. Le positionnement de la souris proche du clavier et à même hauteur est également à proposer.

Figure 10 - Clavier de faible épaisseur et avant-bras posés sur le plan de travail : faible extension du poignet et répartition de la pression sur une large surface d'appui
Figure 11 - Repose-poignet utilisé avec un clavier fin : poignet en bonne position mais pression accentuée sur la base du poignet (canal carpien)

Un plan de travail dégagé de tout ustensile non indispensable permet de placer ces dispositifs à une place adéquate. Dans certains cas d’utilisation intensive de la souris, il est possible de la placer devant soi, et repousser quelque peu le clavier peu fréquemment utilisé (figure 12).

Figure 12 - Lors d'une faible utilisation du clavier, un espace dégagé permet de placer la souris à un endroit confortable pour l'utilisateur

Le choix de la souris doit correspondre à la taille de la main de l’utilisateur et présenter une faible épaisseur (sauf pour certaines fonctions particulières et/ou pathologies). Les repose-poignets ne sont pas non plus recommandés (figure 14) et même contre-indiqués pour les possesseurs de souris redressées (obliques ou verticales).

Figure 13 - Souris de taille adaptée à la dimension de la main : poignet en rectitude et large surface d'appuiFigure 14 - Utilisation d'un repose-poignet avec la souris : appui et pression plus marquée sur le poignet

Le réglage du siège est également à prendre en considération. La hauteur adéquate consiste à adapter la hauteur de l’assise de façon à placer les coudes fléchis à hauteur du plan de travail. Ainsi, les avant-bras seront parallèles au plan de travail et la pression sera bien répartie sur une large surface.

Le respect des moments réguliers de pauses et la variété des activités est également à respecter. La pratique de quelques exercices de relâchement musculaire (stretching) constitue un complément intéressant.

Il est possible qu’un préventeur ou thérapeute vous ait conseillé, pour des raisons médicales ou spécifiques à la situation de travail, l’acquisition de ces repose-poignets. Faites-lui confiance mais restez attentif à toute apparition de douleur. Parlez-en de nouveau avec lui si c’était le cas.

Jean-Philippe DEMARET,
Conseiller en prévention ergonome Cohezio, Eur. erg. (titre d’ergonome européen)
Licencié en kinésithérapie et en éducation physique
 

Bibliographie

"Bilateral palmar dermatitis possible caused bu computer wrist rest" - Yokota Miki et al - Contact Dermatits 2007 : 57

Publié dans Actuascan, février 2019, n°2.