16 avril 2017
Quelques conseils pour un travail sur écran plus sain.
Ce premier chapitre aborde quelques explications relatives à un réglage inadéquat de l’écran et/ou à une mauvaise posture de la nuque.
Lorsqu’un individu marche ou se tient debout et porte son regard à quelques mètres devant lui, sa nuque est redressée (entre 0 et 5°). C’est la position naturelle et confortable de la nuque.
Cette position redressée permet un bon alignement des articulations et une diminution des tensions ligamentaires et musculaires (figure 1).
Figure 1 – position redressée de la nuque: relachement des ligaments et muscles postérieurs de la nuque (en jaune) et répartition uniforme des pressions sur les disques intervertébraux (flèches vertes au-dessus du disque)
Par contre, la lecture d’un écran placé trop bas implique une position fléchie de la nuque (figure 2). Cette flexion de la colonne cervicale peut osciller entre 30° et 60°.
L’inclinaison de la tête vers l’avant a des répercussions sur la colonne cervicale. Cette posture provoque un pincement antérieur du disque intervertébral (en orange dans la figure 3), une distension de sa portion postérieure ainsi qu’un étirement des structures ligamentaires et musculaires postérieures (en jaune dans la figure 3). Le pincement du disque et son étirement postérieur le fragilise et peut amener à sa détérioration précoce avec des fissures dans sa structure périphérique, l’anneau (fibres obliques blanches dans la figure 3). Ce pincement antérieur et les déchirures postérieures de l’anneau correspondent au mécanisme pouvant provoquer à terme la hernie discale.
L’étirement des ligaments postérieurs les fragilise également et peut provoquer des lésions douloureuses. La répétition ou le maintien de ces positions surmène également les muscles cervicaux et entraine fatigue et douleur musculaire.
Figure 2: utilisation d’un écran placé trop bas
Figure 3 – position de la colonne cervicale en flexion : étirement des ligaments et muscles postérieurs (en jaune et rouge) et pincement antérieur des disques intervertébraux (en orange à droite de la figure)
A cette mauvaise répartition des pressions et tensions s’ajoute une augmentation importante de la pression sur les vertèbres cervicales. La charge sur la colonne cervicale augmente en fonction de l’inclinaison de la nuque : elle passe de 5kg (le poids de la tête) en position redressée à 20,5 kg en position fléchie en avant à 45 degrés soit 4 fois plus. Cette élévation de la charge est provoquée par une augmentation du bras de levier entre le centre de masse de la tête et la colonne cervicale.
Le fait de regarder un écran placé trop haut implique une extension de la colonne cervicale (figure 4).
Cette extension est maintenue grâce à la contraction des muscles cervicaux (figure 5). Cette contraction soutenue est fréquemment à l’origine de fatigue et douleurs musculaires
A l’inverse de la flexion décrite précédemment, c’est la partie antérieure du disque intervertébral qui est étendue alors que sa partie postérieure est comprimée (en orange dans la figure 5).
Une compression est présente également au niveau des articulations postérieures (en mauve dans la figure 5). Ces petits emboitements osseux sont recouverts de cartilage. Une compression répétée ou maintenue de celui-ci ne contribue pas à le garder en bon état.
Figure 4 – extension de la nuque pour regarder un écran placé trop haut
Figure 5 – extension de la nuque: contraction soutenue des muscles cervicaux (ligne rouge à gauche), compression du cartilage des articulations postérieures (lignes mauves) et compression de la partie postérieure du disque intervertébral (en orange à droite de la figure)
Un écran placé latéralement provoque une rotation de la nuque.
Cette position déviée entraîne un cisaillement des fibres de l’anneau du disque intervertébral (figure 6). Ce cisaillement peut à la longue fragiliser le disque et augmenter le risque de lésions et douleurs cervicales.
De plus, pour maintenir la rotation, les muscles se contractent de façon différente. Les muscles d’un côté de la colonne cervicale sont contractés alors que les muscles du côté opposé sont étirés. Ce phénomène maintenu de longues périodes aboutit à la longue à un déséquilibre dans les capacités musculaires, propice également à des douleurs.
Figure 6 – écran placé latéralement: cisaillement des fibres de l’anneau du disque intervertébral(lignes blanches obliques), étirement des muscles d’un côté de la colonne cervicale et étirement des muscles du côté opposé
En supplément de ces contraintes de type musculo-squelettique, s’ajoutent des problèmes de fatigue visuelle, douleurs oculaires, larmoiements ou yeux secs. Leurs origines sont multiples et peuvent se trouver dans un environnement inadéquat (taux d’humidité trop faible, courants d’air,…) par exemple.
La lecture assidue d’un écran pendant de longues heures est également à l’origine d’une contraction soutenue des muscles oculaires permettant la mise au point sur l’écran. Cette contraction représente une source potentielle de douleurs et fatigue oculaire.
Un écran ou un affichage trop petit ou insuffisamment contrasté contribuent également à une difficulté de lecture. L’utilisateur compense alors avec un intense travail des muscles oculaires ou par une position inadaptée de la nuque.
L’écran doit être situé dans l’axe de la tête afin d’éviter toute rotation de la nuque (figure 7).
Figure 7 – disposition de l’écran dans l’axe de la tête
Si on recommande de placer un écran unique dans l’axe du regard, l’utilisation et le positionnement de plusieurs écrans doit correspondre à la réflexion suivante, guidée par la durée de consultation de chaque écran :
Figure 8 – position de l’écran principal en face et des écrans secondaires latéralement
Figure 9 – position de l’intersection des écrans principaux de face et de l’écran secondaire latéralement
Il convient également de ménager une distance de vision confortable (figure 10). Cette distance doit vous permettre de lire sans effort même lorsque le dossier du siège est incliné vers l’arrière.
La distance entre l’écran et les yeux doit être en accord avec le sentiment de confort de l’utilisateur qui dépend de plusieurs facteurs :
Il ne faut donc pas proposer une distance fixée uniquement sur la dimension de l’écran mais au contraire permettre à l’utilisateur de placer l’écran à la distance qui lui convient le mieux.
On propose généralement une distance œil écran comprise entre 40cm et 90cm. Cette distance peut atteindre ou dépasser 100cm lors de l’utilisation d’un très grand écran.
Il est dès lors important de prévoir un plan de travail suffisamment profond. Une profondeur de 80cm pour le plan de travail est généralement proposée mais peut aller jusque 100cm en cas d’écran de grande dimension ou d’écrans multiples.
Figure 10 – Distance de vision confortable
Lorsque nous marchons sur un terrain dégagé (figure 11), la tête est redressée et le regard se porte quelques mètres devant les pieds. Cette ligne de vision correspond environ à 15° sous l’horizontale du regard. Elle nous permet de vérifier les caractéristiques du chemin et de ses obstacles potentiels. Cette position naturelle est déterminée notamment par les organes de l’équilibre dans l’oreille interne (les canaux semi-circulaires). Les structures articulaires de la colonne cervicale sont dans un état de moindre contrainte (muscles, ligaments, disques intervertébraux).
Figure 11 – ligne horizontale du regard (en rouge) et ligne de vision (en vert) 15°
La lecture d’un écran en station assise devrait correspondre à cette position physiologique (figure 12) : le milieu de l’écran, qui représente l’endroit le plus fréquemment visé, devrait correspondre à la ligne de visée du regard située à 15° en dessous de la ligne horizontale du regard (point a). Lors de l’utilisation d’écran de taille « classique », la règle peut être simplifiée en faisant correspondre la partie supérieure de l’écran et la hauteur des yeux.
Une exception doit être envisagée : lors de l’utilisation de verres progressifs (si la personne regarde au travers de la portion basse des lunettes), l’angle doit être de 30° au minimum (point b).
La hauteur de l’écran doit être déterminée à partir d’une hauteur d’assise adéquate : les coudes fléchis à hauteur de la table et une position redressée de tous les étages de la colonne vertébrale. Cette position redressée doit correspondre à une posture confortable (courbures naturelles) et non à une posture « au garde à vous » qui sera abandonnée après quelques minutes. L’écran serait alors placé trop haut pendant toute la journée de travail.
La possibilité de régler la hauteur de l’écran est donc indispensable. Le débattement doit être suffisamment ample. Au minimum, il doit correspondre à 10cm. Si ce réglage n’est pas présent ou insuffisant, l’utilisation d’une rehausse est à proposer pour les personnes de grande taille.
L’inclinaison de l’écran est utile à prévoir également. L’écran doit être placé perpendiculairement à l’axe du regard.
Figure 12 – réglage de la hauteur de l’écran : milieu de l’écran placé à 15° sous l’horizontale du regard et 30° ou plus lors de l’utilisation de verres progressifs (regard par la partie basse des lunettes)
Lors d’un travail de longue durée sur un écran, certaines personnes ont difficile à discerner les caractères affichés à l’écran. Ce peut être le cas des personnes avec une acuité visuelle plus faible, (après 45 ans en moyenne) mais aussi lorsque on est amené à lire longtemps des documents sur écran. La fatigue visuelle s’installe et les capacités visuelles diminuent. Pour pallier à cela, l’utilisateur a tendance à fléchir la nuque et à se rapprocher pour lire l’affichage à l’écran.
Quelques études et recommandations plaident en ce sens :
Le choix de la taille de l’écran est donc à prendre en considération en fonction du type de travail à effectuer mais également des caractéristiques individuelles.
Il ne faut pas négliger la possibilité d’utiliser la fonction zoom du logiciel (figure 13) qui permet de maximaliser la surface à lire en fonction de la distance et des capacités individuelles de lecture. On remarque fréquemment que des utilisateurs laissent une marge blanche sur les côtés de l’écran et se plaignent de difficultés à lire la page affichée.
Figure 13 – utilisation de la fonction zoom pour améliorer le confort de lecture
La distance entre vos yeux et le mur en face doit, de préférence, être de minimum 2 à 3 mètres. Cette profondeur est nécessaire pour permettre de reposer les muscles oculaires qui réalisent la mise au point sur la surface à lire, en regardant sporadiquement au-delà de l’écran.
Si le local ne permet pas cette disposition, n’oubliez pas de porter régulièrement votre regard au loin pour reposer la vue (figure 14), de préférence à l’occasion d’une petite marche (déplacement dans ou hors l’immeuble) ou lors d’une pause active (point 6).
Figure 14 – porter régulièrement votre regard au loin pour reposer la vue
En complément de ces aspects de réglage de l’écran, il convient de respecter de courts mais fréquents moments de pause. Ces pauses actives seront mises à profit pour varier les positions, marcher, utiliser les escaliers et faire des petits exercices physiques légers.
Il faut garder à l’esprit que le corps est fait pour bouger et que même une bonne posture devient inadéquate lorsque elle est maintenue une longue période.
Figure 15 – réaliser régulièrement des exercices physiques de relâchement musculaire