Comment communiquer un feedback délicat ?
Publication 25 juin 2019

Comment communiquer un feedback délicat ?

Formuler un feedback sur la manière de travailler est déjà en soi parfois difficile. Mais la difficulté augmente encore quand il s’agit d’aborder un aspect plus personnel, comme la manière de s’habiller, certains comportements relationnels (grossièreté, remarques inappropriées,…), ou un manque d’hygiène corporelle (provoquant des odeurs dérangeantes).


Pourquoi réagir ?

Si personne ne dit clairement au travailleur que tel comportement ou tel aspect pose problème, comment espérer que cela change ? La personne concernée n’en est d’ailleurs pas toujours consciente. Par contre, ce problème va créer des tensions entre collègues (rumeurs, railleries, évitement…) qui vont s’accroître avec le temps. Se taire reviendrait à l’isoler définitivement de l’équipe, et à détériorer l’ambiance de travail.

Communiquer, gérer les éventuelles tensions, intervenir sur les risques psychosociaux, font partie des missions intégrantes du manager d’une équipe. C’est donc au manager, généralement, qu’incombe cette tâche délicate. Mais ce type de feedback peut également être fait par un collègue (qui entretient de bonnes relations avec la personne) ou un collaborateur de la GRH.

Les bonnes conditions d'un entretien délicat

Etre convaincu qu’il s’agit d’un feedback indispensable, constructif, qui lui rendra service ainsi qu’à toute l’équipe : voilà la première condition.
La relation avec la personne concernée doit être suffisamment bonne pour aborder ce type de sujet. Si ce n’est pas le cas, il vaut mieux déléguer cette tâche à quelqu’un d’autre.
La discrétion est l’autre condition indispensable, tant au niveau de l’invitation à l’entretien individuel qu’au niveau du local dans lequel il aura lieu.

Avant l’entretien, il est intéressant de se renseigner sur ce qui peut être proposé au travailleur s’il demande de l’aide, et jusqu’où l’entreprise pourra aller pour aider la personne. Par exemple, pour un problème d’hygiène d’ordre médical, il peut être proposé de rencontrer le médecin du travail.

Comment mener l’entretien ?

Au début de l’entretien, il est important de rassurer la personne en la remerciant pour un aspect positif de son travail, comme par exemple : « Ce que je vais te dire ne remet absolument pas en cause la qualité de ton travail. J’apprécie tel ou tel aspect de ton travail… ».

Le problème sera ensuite expliqué le plus clairement et objectivement possible. La franchise est de mise. S’il s’agit, par exemple, d’un problème d’haleine ou de sueur, autant le dire clairement, et expliquer les conséquences au niveau professionnel. La personne n’a peut-être pas du tout conscience que cela pose problème.

Afin d’éviter la suspicion vis-à-vis des collègues, parler en son nom est indispensable. Les formules du type « j’ai entendu dire » ou « on m’a rapporté » sont à éviter. De même, l’humour est à proscrire. Cela risque d’être très mal perçu.

Une fois le problème posé, la personne en est-elle consciente ? Si elle ne l’est pas, bonne nouvelle : le changement peut être radical et rapide. Si par contre, elle en est déjà consciente mais réagit négativement (dans la colère, le déni, le découragement,…), inutile d’insister. Il vaut mieux, dans ce cas, la laisser réfléchir et en reparler plus tard.
Le collaborateur peut avoir l’impression qu’il s’agit d’une intrusion dans sa sphère privée. C’est important de lui expliquer le côté constructif de la démarche, dans le but d’éviter un (plus grand) isolement futur.

Quelle que soit sa réaction, le travailleur devra ensuite mettre des choses en place. Cet entretien a pour objectif de l’amener à trouver ses propres solutions. Il ne s’agit pas de lui proposer des recettes toutes faites.

Bienveillance et franchise

Oser exprimer un feedback délicat, c’est finalement une marque d’attention, un signe de bienveillance et de franchise. C’est en tout cas dans cet esprit-là qu’il est constructif. Imaginez que vous avez un brin de salade coincé entre les dents ou une tirette ouverte, n’aimeriez-vous pas que quelqu’un vous le dise pour pouvoir y remédier ? Il s’agit là d’exemples bénins, mais qui illustrent la petite gêne ressentie quand nous en prenons conscience et le soulagement, ensuite, que quelqu’un nous l’a fait remarquer rapidement. Oser la franchise dans la bienveillance, c’est faire preuve d’assertivité. Cela s’apprend, et cela libère !

Catherine JADOUL,
Psychologue
Manager du département psychosocial de Cohezio

avec la collaboration d’Elise Herpoel et Hélène Adam,
Conseillères en prévention aspects psychosociaux

Publié dans Actuascan, juin 2019, n°6.