Comment se déroule la coordination du retour au travail en Belgique ?
Publication 22 août 2022

Comment se déroule la coordination du retour au travail en Belgique ?

Le nombre de malades de longue durée est très élevé en Belgique. Employeurs et travailleurs se sentent parfois impuissants face à ce constat. Que fait-on en Belgique pour remédier à ce problème ?
Réponse : en Belgique, de nombreux acteurs sont très actifs afin de faciliter le retour au travail des travailleurs malades !

Dans le présent article :

  • Qui sont les coordinateurs retour au travail et que font-ils ?
  • Que fait le médecin-conseil ?
  • Quel est le rôle du médecin du travail ?
  • Quelle est la collaboration entre ces personnes ?

Le schéma ci-dessous illustre la ligne du temps et la collaboration qui existe entre les différents acteurs depuis l’arrêté royal du 21 janvier 2022. Cet AR a notamment accru le rôle des mutualités avec l’introduction des coordinateurs retour au travail, ainsi que de nouveaux liens de collaboration entre les acteurs.
 

Il existe deux types de trajets de réintégration qui se croisent et se renforcent mutuellement :

  • Il y a premièrement le parcours de réinsertion socioprofessionnelle, avec comme acteurs principaux le coordinateur retour au travail (coordinateur RAT) et le médecin-conseil (MC).
  • Deuxièmement, il y a les trajets de réintégration au sens du Code du bien-être au travail, avec le médecin du travail comme acteur principal.

Le schéma et la ligne du temps montrent que tous les travailleurs malades de longue durée reçoivent de leur mutualité un questionnaire (le questionnaire "quick scan") dès la 10e semaine de leur absence, afin d’évaluer la possibilité d’un trajet de réintégration et d’un retour au travail.
 

Au cours du quatrième mois d’absence, les médecins-conseils utilisent ce questionnaire pour estimer les capacités restantes du travailleur (= quick scan).

Lors de ce quick scan, le médecin-conseil répartit les travailleurs malades de longue durée en quatre catégories en fonction des réponses données :

  • Catégorie 4 : une reprise du travail ou une réintégration chez l’employeur semble possible.
  • Catégorie 1 : le travailleur pourra reprendre spontanément le travail à la fin du sixième mois.
  • Catégorie 3 : une reprise du travail chez l’employeur n’est pas envisageable pour le moment car la priorité doit être donnée au diagnostic médical (par ex. imagerie médicale) ou au traitement médical (par ex. opération du dos).
  • Catégorie 2 : une reprise du travail chez l’employeur ne semble pas faire partie des possibilités, et ce, pour des raisons médicales (notamment dans le cas des patients atteints d’un cancer).
     

Après examen médical, le médecin-conseil renvoie le travailleur malade de longue durée au coordinateur retour au travail dans les cas suivants :

  • Catégorie 4 : le plus rapidement possible vu qu’une reprise du travail ou une réintégration est possible.
  • Catégorie 1 : si le travailleur malade est toujours en incapacité de travail au bout de six mois.
  • Catégorie 3 : si une reprise du travail semble encore possible après un certain laps de temps du fait, par exemple, que la partie diagnostic et le traitement ont déjà suffisamment progressé.
     

Dans le mois suivant le renvoi par le médecin-conseil, le coordinateur retour au travail organise une première prise de contact avec le travailleur malade.

Lors de ce premier contact, il explique son rôle dans l’accompagnement et le suivi du trajet de retour au travail.

Le coordinateur RAT oriente le travailleur malade de longue durée, avec son consentement et avec l’accompagnement nécessaire lors du premier contact, vers le médecin du travail en vue de demander une visite de pré-reprise du travail ou un trajet de réintégration au sens du Code du bien-être au travail. Toutes ces démarches sont réalisées en vue d’une réintégration chez l’employeur actuel.
 

En concertation avec le médecin-conseil et le travailleur malade de longue durée, le coordinateur retour au travail peut tout aussi bien entamer un parcours de réinsertion socioprofessionnelle visant l’ensemble du marché du travail. Cette possibilité s’adresse plus particulièrement aux travailleurs malades de longue durée suivants :

  • Le travailleur qui décide de ne pas demander de visite de pré-reprise du travail ni de trajet de réintégration au sens du Code du bien-être.
  • Le travailleur qui, suite à la visite de pré-reprise du travail, décide de ne pas demander de trajet de réintégration au sens du Code du bien-être.
  • Le travailleur qui a demandé un trajet de réintégration au sens du Code du bien-être, mais dont le trajet a été définitivement interrompu en raison de son inaptitude définitive au travail chez son employeur actuel (décision C ou D) et en l’absence de mise en œuvre d’un éventuel plan de réintégration (refus du travailleur ou refus de l’employeur).

Dans le cas du parcours de réinsertion socioprofessionnelle, la personne malade de longue durée est accompagnée par les mutualités et leurs partenaires (le Forem en Wallonie, Actiris à Bruxelles, le VDAB en Flandre, etc.), au travers d’entretiens de suivi avec le coordinateur RAT, vers un retour sur le marché du travail grâce, par exemple, à des formations, des recyclages, un accompagnement, une réorientation, un apprentissage sur le lieu de travail, un travail non rémunéré, etc.

Il existe donc de nombreuses initiatives afin d’aider les malades de longue durée à reprendre le travail. Si la reprise du travail n’est pas possible auprès de l’employeur actuel, il faut savoir qu’en Belgique, tous les travailleurs malades font l’objet d’un dépistage précoce (dès la 10e semaine) au cours de leur maladie afin de déceler d’éventuelles difficultés de réintégration. Ensuite, les mutualités et leurs partenaires tentent d’accompagner, de reconvertir, etc. ces travailleurs malades afin qu’ils puissent trouver un travail ailleurs sur le marché de l’emploi.

Il faut également savoir que le parcours de réinsertion socioprofessionnelle peut être suspendu à tout moment lorsque l’employeur (ou le travailleur ou son médecin traitant avec son consentement) demande un trajet de réintégration au sens du Code du bien-être au travail. Souvent, on peut ainsi déterminer de manière définitive si le travailleur retournera ou non chez son employeur actuel. Il s’agit d’une information capitale tant pour le travailleur (qui pourra, par exemple, se réorienter psychologiquement vers un autre employeur) que pour l’employeur (qui saura alors comment et avec quelle équipe il doit organiser le travail à l’avenir).


En tant qu’employeur, comment prévenir les maladies et comment veiller à ce que les travailleurs malades reprennent le travail le plus rapidement possible ? En quoi est-ce important ?

Il est primordial que les travailleurs malades reprennent le travail le plus rapidement possible. Les travailleurs disposent en effet de tout le savoir-faire et de l’expertise s’appliquant à votre activité professionnelle et à votre secteur en particulier ! Lorsqu’un de vos travailleurs est absent, cela signifie que votre entreprise est contrainte de se passer des connaissances et de l’expertise dont il dispose.

Pour l’employeur, le seul moyen de contribuer au retour au travail le plus rapide possible des travailleurs malades, et avec eux, de leurs connaissances et leur expertise, est de leur offrir des conditions de travail optimales ! En fait, c’est ce qui compte par-dessus tout : en veillant à offrir de bonnes conditions de travail, les travailleurs tomberont moins rapidement malades et, si malgré tout ils tombent malades, ils pourront reprendre le travail plus rapidement.

Le premier conseil est donc d’assurer des conditions de travail optimales. C’est ce que l’on appelle la prévention primaire. La prévention primaire est la priorité et constitue le pilier le plus important. Sans prévention primaire, la réintégration sera très difficile, voire impossible ! En l’absence de ce premier pilier, il sera impossible d’obtenir le retour au travail des travailleurs malades possédant toute l’expertise et la connaissance dont votre entreprise a besoin.

Le deuxième conseil à donner à l’employeur est de garder un contact régulier avec le travailleur malade. Cela permet d’éviter le "fade-out", c’est-à-dire le processus lors duquel un travailleur perd le contact avec son employeur et son lieu de travail, pour se laisser accaparer par sa maladie, ou se tourner vers un autre emploi ou un autre employeur qui lui pourra bénéficier des connaissances du travailleur.

Le troisième conseil à donner à l’employeur est non seulement de garder le contact avec le travailleur malade, mais aussi d’essayer de le convaincre de prendre rendez-vous auprès du médecin du travail pour ce que l’on appelle la visite (l’examen) de pré-reprise du travail. Lors de cette visite de pré-reprise du travail, le médecin du travail, qui est spécialisé dans votre secteur d’activité et qui connaît très bien votre entreprise, pourra dialoguer avec le travailleur dans le but de préparer sa future reprise du travail. Quels sont, selon le travailleur, les obstacles à la reprise du travail (par exemple : la honte, les conflits, une faible confiance en soi, des problèmes liés à l’organisation du travail, etc.) ? Ces obstacles pourront être examinés (correspondent-ils ou non à la réalité ? Rappelez-vous que le médecin du travail connaît votre entreprise, ou est en tout cas spécialisé dans ce type de questions) et abordés lors de ces consultations avec le médecin du travail. Cela permet également de garder le contact entre le travailleur et le lieu de travail et d’éviter le fade-out. Le travailleur, avec toute son expertise et son savoir-faire, choisira alors probablement de retourner chez son employeur. D’un autre côté, il peut aussi s’avérer que le travailleur ne retournera plus chez son employeur actuel. Il s’agit là d’une information cruciale tant pour le travailleur (qui pourra se réorienter psychologiquement vers l’ensemble du marché du travail et sortir de sa maladie) que pour l’employeur (qui saura alors comment et avec quelle équipe il doit organiser le travail à l’avenir).

Mathieu Versée,
Directeur de la cellule scientifique
Conseiller en prévention-médecin du travail